Cette fois nous y sommes, les États-Unis sont devenus les victimes de leur propre propagande. Le président George W. Bush a affirmé qu’il rendrait sa « souveraineté pleine et entière » à l’Irak le 30 juin, nous avons dit que nous remettrions Saddam Hussein aux Irakiens et que l’occupation serait remplacée par un auto-gouvernement des Irakiens.
Ces grandes promesses sont aussi peu crédibles qu’intenables. Certaines d’entre elles ont déjà été re-qualifiées. Ainsi, Saddam Hussein sera sous l’autorité « légale » des Irakiens, mais ce sont les États-Unis qui en conserveront la garde. Imaginons qu’un juge ou un jury irakien acquitte Saddam Hussein, les États-Unis ne le laisseraient pas être relâché. C’est bien l’illustration que, comme nous avons promis de faire de l’Irak un pays sûr et démocratique, nous ne pouvons pas rendre leur souveraineté aux Irakiens pour l’instant.
De toute façon, la notion de « souveraineté pleine et entière » n’a pas de sens tant il est fréquent que des nations interfèrent dans les affaires des autres. Dans les dernières années, une puissance ou une autre, parfois seule parfois en coopération, a été présente en Afghanistan, en Haïti, au Libéria, au Congo, en Somalie, en Sierra Leone, en Bosnie, en Serbie ou au Liban parmi tant d’autres exemples pour renverser un régime, en installer un ou bien pour « maintenir la paix ». Bien sûr certaines de ces opérations ont été menées avec l’aval de l’ONU, mais cela ne fait que souligner que les nations laissent une part de leur souveraineté à l’ONU, ou que l’ONU la leur vole si on veut un point de vue de droite. La Cour criminelle internationale, que les États-Unis n’ont pas ratifiée, repose sur l’idée qu’un citoyen d’un pays A peut être amené devant la juridiction d’un pays B par les troupes d’un pays C. Les pays de l’Union européenne voient leur gouvernance contrôlée par les institutions européennes et des États ont dû changer de politique suite à l’intervention du FMI.
En Irak, la seule différence est que le pays a moins de pouvoir que le plus faible des États et le transfert de compétence n’y changera rien. Il faudrait mieux que l’administration Bush admette que la souveraineté existe à des degrés différents et que celle de l’Irak sera rendue graduellement. Il faut aussi cesser de brocarder l’ONU et la CCI et envoyer Saddam Hussein se faire juger à La Haye.
« A ’Sovereign’ Iraq ? Don’t You Believe It », par Amitai Etzioni, Los Angeles Times, 23 juin 2004.
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