Iyad Allaoui veut une conférence internationale sur l’Irak et nous soutiendrons cette initiative. Le Premier ministre irakien tient absolument à ce que les élections aient lieu en janvier tel que cela était prévu mais comme observateur extérieur, il me semble impossible d’organiser des élections indiscutables dans le chaos que connaît aujourd’hui l’Irak. Si les élections avaient lieu aujourd’hui, ce serait la faction la mieux organisée, les extrémistes, qui la remporterait. Un tel scénario ne favoriserait pas une amélioration de la situation. Nous sommes également inquiets des déclarations de Donald Rumsfeld sur l’organisation d’élections partielles car cela reviendrait à exclure les sunnites du processus.
J’espère que la sécurité va s’améliorer mais pour l’instant je ne vois aucun signe en ce sens. La Jordanie estime que la seule chance d’y parvenir est de rappeler l’ancienne armée, du moins les sous-officiers et les officiers mais pas les généraux, sous les drapeaux. Les Américains ont commis une erreur en la démobilisant sur les conseils des émigrés comme Ahmed Chalabi. Les Américains commettent également l’erreur de ne pas laisser assez de manœuvre à Iyad Allaoui et ils veulent former la police et l’armée trop vite. Les États-Unis ont une mauvaise image de la Jordanie en raison de la frustration qu’engendre leur politique. Les Jordaniens voient la souffrance des Palestiniens à l’ouest et celle des Irakiens sur l’autre frontière et dans les deux cas, ils jugent l’Amérique responsable.
Nous travaillons avec la Syrie pour lutter contre le terrorisme et nous avons le soutien du président Bashar même si nous constatons que de nombreux individus continuent de passer la frontière et de prendre pour cibles les forces de sécurité jordaniennes. La bonne volonté politique qui paraît s’exprimer à Damas n’a pas encore eu de traduction visible sur le terrain. Les flots de combattants étrangers qui cherchent à déstabiliser l’Irak ne viennent pas de Jordanie. Certes, Al-Zarquaoui est jordanien mais en coopération avec Bagdad et avec les forces américaines, nous faisons de notre mieux pour retrouver sa trace. Je croise les doigts avec l’espoir qu’un jour ou l’autre le gouvernement irakien finira par l’attraper. Les extrémistes veulent déstabiliser le monde entier, la Jordanie comme la France. Mais, face à ces groupes, croyez-moi, nous sommes loin de rester passifs. Certes, en Jordanie, les Frères musulmans ont des députés mais nous sommes décidés à les combattre dans le cadre de la constitution et nous ne les laisserons pas aller trop loin. Il faut que les musulmans dénoncent clairement le terrorisme et que les Occidentaux cessent d’assimiler terrorisme et islam.
L’Iran de son côté s’intéresse au sort de l’Irak en raison de sa forte population chiite et de son positionnement stratégique. Les Iraniens ont leurs propres intérêts. Au même titre que chacun des voisins de l’Irak. J’ai rencontré le président Khatami et je me suis très bien entendu avec lu, c’est une personnalité sympathique, qui aimerait orienter la société iranienne vers les chemins de la modération. Mais, dans la région, les autorités iraniennes se sentent menacées sur plusieurs fronts et notamment par Israël. J’espère que les Américains retiendront Israël. Si l’Iran est frappé, l’Iran ripostera. Or la Jordanie se trouve au milieu. Un raid contre l’Iran n’arrangerait rien. Au contraire, il rendrait notre région encore plus instable.
Israël est sur le point d’évacuer Gaza et les Palestiniens doivent s’unir pour profiter de cette opportunité. Mais malheureusement, ils sont tombés dans le piège tendu par Israël et les factions s’affrontent, pourtant à moins que les Palestiniens ne se décident à définir un vrai plan pour bâtir un Etat indépendant viable, je crains qu’il n’y ait plus d’avenir pour les Palestiniens. Yasser Arafat ou Ahmed Qoreï doivent agir
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.
« Aujourd’hui, des élections en Irak sont impossibles », par Abdallah de Jordanie, Le Figaro, 28 septembre 2004. Ce texte est adapté d’une interview.
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