L’un des indicateurs les plus révélateurs des projets post-électoraux du New Labour est la façon dont un possible passage à l’euro du Royaume-Uni sert de diversion au scandale des conseils juridiques du ministère de la Justice avant la Guerre d’Irak. Pour apprécier toute la signification de cette diversion, il faut se souvenir que faire de la Grande Bretagne l’un des leaders de l’Europe était au cœur du projet blairiste de 1997 et que pour cela, il fallait adopter l’euro. Mais cette ambition a été abandonnée pour mieux rester au pouvoir. Aujourd’hui, après ce reniement, Tony Blair ferait mieux de chercher le moyen de quitter son poste de la façon la plus honorable possible. Le plus tôt sera le mieux.
La situation actuelle n’allait pas de soi. Les travaillistes auraient pu soulever la question européenne et éviter le bourbier irakien, mais de mauvais jugements ont tout gâché. Quand Tony Blair est arrivé au pouvoir en 1997, il était admiré chez nous et en Europe, et il utilisait ces deux popularités pour renforcer sa légitimité sur les deux tableaux. Toutefois, il a refusé l’adoption de l’euro, refusant d’affronter les eurosceptiques alors qu’il était en position de force. Finalement, il a adopté le langage de l’adversaire (« veto », « souveraineté », « ligne rouge », etc...) et il a privilégié la « relation spéciale » à l’Europe. Il a donc suivi les États-Unis dans le bourbier irakien et a plaidé en faveur d’une américanisation de l’économie européenne.
A cause de cette politique, les Français pourraient rejeter le traité constitutionnel, pas pour des raisons de souveraineté comme en Grande Bretagne, mais parce qu’ils ne veulent pas de ce qu’ils perçoivent comme un tournant « néo-libéral ». C’est une mauvaise appréciation du texte, mais la couleur de la commission Barroso ne les rassurent pas. Si le non passe en France, l’Union européenne se fragmentera et la France et l’Allemagne se rapprocheront, si le oui passe en France, les travaillistes devront organiser un référendum qu’ils ne peuvent pas gagner. Quoi qu’il en soit, Blair semble destiner à éloigner la Grande Bretagne de l’Europe. Or, quand l’Allemagne aura fini de digérer le coût de la réunification, l’économie européenne repartira et on verra la fragilité de l’économie britannique.
« A dream jettisoned, like ballast, to keep him afloat », par David Clark, The Guardian, 2 mai 2005.
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