Aucune élection présidentielle états-unienne n’aura suscité tant d’attente hors des États-Unis que celle opposant George W. Bush à John Kerry. En Grande-Bretagne et en Europe, on espère une victoire du candidat démocrate qui pourrait relancer les relations transatlantiques. Toutefois, cela dépendra de la capacité de Kerry à vaincre un « président en guerre », tâche d’autant pus complexe du fait de la candidature de Ralph Nader.
Ce serait toutefois une grave erreur de penser que l’utilisation préventive et unilatérale de la force est une parenthèse dans l’histoire des États-Unis, la doctrine de l’administration Bush trouve en effet ses origines dans l’émergence d’un monde unipolaire après la Guerre froide. Un président démocrate limitera peut-être un peu l’usage de cette puissance, mais même Bill Clinton avait partiellement cédé à cette tentation. C’est une tendance qui se poursuivra tant qu’il existera un tel décalage entre la puissance des États-Unis et le reste du monde. Nous ne pouvons mettre fin à ce déséquilibre et reprendre en main notre destinée qu’en nous unissant à ceux qui partagent nos valeurs. Pour la Grande-Bretagne, cela signifie renoncer à la « relation particulière » et contribuer à la construction d’une Europe plus forte.
Cette suggestion ferait hurler Tony Blair et de larges pans de la population, surtout de droite. Elle serait présentée comme anti-américaine alors qu’il ne s’agit que d’une demande de redistribution du pouvoir global. Malheureusement, une large part de l’establishment politique britannique s’est convaincue que le mieux que pouvait espérer le pays, c’est l’occasion de profiter d’une part de la gloire de la puissance américaine.
Il existe aussi un contexte politique favorisant cet attachement aux États-Unis. Les conservateurs ont, sur ce point, le mérite de la cohérence. En tant que partisans de l’individualisme économique et du gouvernement minimal, ils préfèrent un monde dominé par le capital global et la puissance états-unienne et ils tentent donc de diviser l’Union européenne et d’empêcher sa constitution en pôle politique. L’euro-scepticisme de gauche est en revanche plus de l’ordre d’un désordre infantile. Il s’appuie sur le fait que, faute d’accord entre les membres, seules les politiques commerciales ont été adoptées et que cela donne donc un visage libéral à l’Union européenne. Pourtant, dans un monde globalisé, l’État providence ne peut plus exister qu’au niveau européen. Il faut donc renforcer l’Europe pour qu’elle ait la capacité d’adopter de vraies politiques. Nous avons le choix entre la construction européenne ou la suprématie états-unienne.
« An infantile disorder », par David Clark, The Guardian, 15 avril 2004.
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