L’humiliante défaite de Jacques Chirac a satisfait bon nombre d’américain. William Kristol a crié « Vive la France ! » et Radek Sikorski, de l’American Entreprise Institute, a estimé que ce résultat était positif pour les relations transatlantiques car il affaiblissait le plus anti-américains des dirigeants européens. Les réactions officielles ont été beaucoup plus contenues, mais il est sûr que quelques officiels, au moins au Pentagone et dans le bureau du vice-président, sourient face à l’état de confusion régnant en France.
Toutefois, les Américains devraient contenir les applaudissements qu’ils pourraient bientôt regretter. Ils les regretteront lorsqu’ils se rendront compte que les 55 % des Français qui ont rejeté Chirac et la Constitution l’ont fait avec des motivations presque opposées à celles des Américains qui les ont applaudis. Le refus français pourrait annoncer non pas un réchauffement mais un éloignement transatlantique. La raison principale de la colère récente des Américains envers Chirac, son opposition à la Guerre en Irak, n’a aucun lien avec sa défaite. Au contraire, l’opposition de Jacques Chirac à George W. Bush est la dernière qualité que les Français trouvent à leur président. La nomination de Dominique de Villepin au poste de Premier ministre devrait dissiper les illusions à Washington. Certes, les dirigeants anti-guerre, Jacques Chirac et Gerhard Schröder, voient leur côte de popularité décliner, mais c’est aussi le cas des dirigeants pro guerre, José-Maria Aznar, Silvio Berlusconi et Tony Blair, les derniers 18 mois. On avait assisté à un réchauffement des relations entre Washington et Paris suite à l’offensive de charme de la nouvelle administration Bush mais l’arrivée de Dominique de Villepin à Matignon va y mettre un terme.
Le message des Français ne concernent pas la politique étrangère, elle concerne l’économie. Et contrairement à ce que souhaiteraient les Américains, les Français ne sont certainement pas lassés par les régulations excessives, les impôts trop élevés et le protectionnisme. Si de Villepin écoute vraiment les revendications des électeurs, il y aura donc plus de régulations. En outre, autre mauvaise nouvelle, ce rejet du traité va conduire à une période d’incertitude dans les relations transatlantiques. Quand les États-Unis voudront le soutien de l’Europe sur les questions du monde, ils les trouveront occupés à travailler sur l’avenir institutionnel de l’union européenne. Enfin, il faut considérer l’impact du non sur un autre des objectifs- clés des Américains en Europe : l’élargissement de l’UE vers une inclusion des amis et alliés des Etats-Unis en Europe de l’Est et, un jour, de la Turquie. La victoire du non crée un énorme contretemps aux perspectives de l’Union de continuer à étendre la prospérité et la stabilité de la démocratie vers l’Est.
Les États-Unis doivent admettre que le rejet de ce texte est un échec pour les États-Unis.
« Les néo-conservateurs américains auront des surprises », par Philip Gordon, Le Monde, 6 juin 2005.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter