Avec le mois de juin s’achève le mois le pus intense en réunions de l’histoire de l’Alliance atlantique. En temps normal, ces sommets sont l’occasion pour le président des États-Unis de se montrer en dirigeant des démocraties du monde, et pour les dirigeants européens de rappeler leur foi et leur attachement à une alliance qui les à protégés pendant longtemps. Mais nous ne sommes pas dans des temps normaux.
Il y a quelques mois, on pouvait espérer que ce sommet serait celui de la réconciliation. Face aux difficultés, l’administration Bush se tournait vers l’ONU, rendait leur souveraineté aux Irakiens et diminuait l’usage de tactiques pouvant blesser des civils, comme le demandaient les Européens. On pouvait donc espérer qu’en retour, les Européens, y compris les Français et les Allemands, allaient accepter une implication de l’OTAN en Irak, aider à entraîner les forces de sécurité irakiennes, offrir de diminuer la dette de l’Irak et aider à la reconstruction, voire envoyer des troupes dans le pays. Mais aujourd’hui, tout cela est compromis par l’accroissement des violences en Irak, le scandale d’Abu Ghraib et le soutien de bush au plan Sharon de retrait de Gaza. Pour les dirigeants européens, Bush est devenu radioactif et tous se souviennent du sort réservé à José-Maria Aznar pour s’être trop associé avec lui. Les dirigeants d’Italie, de Grande-Bretagne et de Pologne craignent de devoir payer électoralement leur proximité avec Bush.
Dès lors, le véritable objectif du sommet n’est pas d’envoyer plus de troupes en Irak, car les Européens ne veulent pas s’associer à une politique américaine qui a échoué et ne veulent pas faire quoi que ce soit qui pourrait aider Bush à vaincre John Kerry. Les dirigeants européens vont donc gagner du temps, éviter de provoquer des crises et attendre le résultat des élections de novembre. Une victoire de Kerry permettrait une réconciliation transatlantique et Kerry se comporterait mieux que Bush, mais les Européens ne doivent pas trop espérer. Les différences de point de vue entre les États-Unis et l’Europe sur beaucoup de questions critiques sont importantes et ne disparaîtront pas à cause d’une élection.

Source
International Herald Tribune (France)
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« An alliance waiting for November », par Philip H. Gordon et Jeremy Shapiro, International Herald Tribune, 29 juin 2004.