Christiane Taubira, députée de Guyane, première vice-présidente du Parti radical de gauche (PRG) et candidate à l’élection présidentielle française de 2002, prend position contre l’agression états-unienne de Irak. Elle appelle à ne pas « céder le sort du monde à des stratèges de pacotille » et demande que « la France, dans un sursaut d’honneur et d’indépendance, use solennellement de son droit de veto ».
Voilà un dictateur épais, sanguinaire, obscène que personne n’aime. Même pas son peuple. Car, qui aime bien châtie bien. Or, on ne châtie pas en votant à cent pour cent. Pourtant, il dure. Autant que durent l’embargo et ses dérogations pétrole-nourriture, que persiste la dépendance d’une population livrée au seul pouvoir dispensateur de ressources, de subsides et d’expédients, que demeurent une mortalité infantile effrayante, une minorité kurde sans droits, des femmes sans larmes, un avenir sans espoir pour une jeunesse qui aura bien du mal à ne point haïr.
Et voilà les États-Unis, champions de la déstabilisation de régimes démocratiques du Chili à l’Argentine, jouisseurs de lupanars de Cuba à Hawaï, envahisseurs et occupants de Haïti à Grenade, voilà ces fomenteurs de coups d’État au nom de la doctrine de Monroe, ces tombeurs de présidents démocrates, ces as de la révocation sanglante de dictateurs devenus indociles comme au Panama, ces imbattables du soutien à l’opposition conservatrice comme à Caracas, ces pourvoyeurs charitables de stages et de logistiques comme à Ben Laden, ces sauveurs de minorités comme dans les Balkans, voilà ces invincibles vaincus par la spirale de la morale sommaire du bien et du mal, prêts à nous entraîner tous, avec la désapprobation irrésolue de nos dirigeants, dans le vertige d’un embrasement régional, dans le chaos diffus de frustrations aveuglément meurtrières, dans l’égarement d’alliances opportunistes et douteuses.
Avec la désapprobation ou sans l’approbation de nos dirigeants. Ce n’est pas d’hier que nous pataugeons dans les atermoiements à l’égard de ce pays à qui Victor Hugo disait à propos de la condamnation à mort d’un abolitionniste Blanc « vous sauvez votre honte mais vous tuez votre gloire ». Ce n’est pas d’aujourd’hui que nous cultivons des velléités coupables face à cette « justice immuable » et discriminatoire, que nous n’entendons de la voix de l’Amérique que celle de son président, ignorant à dessein la polyphonie démocratique, clairvoyante et généreuse de ses opposants prestigieux ou ordinaires. Ce n’est pas la première fois que nous plions face à cette conception désordonnée de l’ordre international. Comme si nous consentions, nous aussi, au manichéisme commode des bases américaines qui se pérennisent contre Saddam le méchant qui s’éternise. Comme si les bombes américaines et britanniques déversées depuis dix ans n’étaient que faits divers. Comme si les trafics d’armes et l’économie interlope de la région n’étaient qu’anecdotes. Comme si nous pouvions céder le sort du monde à des stratèges de pacotille et des rentiers d’artillerie. Comme si nous étions d’imprévoyants comparses.
A moins de clamer haut et fort que le droit international est notre référence, que l’ONU n’est pas une chambre d’enregistrement mais l’espace, déjà imparfait, de la démocratie internationale. A moins d’exiger, conformément à l’article 35 de la Constitution, un débat et un vote au Parlement. A moins que la France, dans un sursaut d’honneur et d’indépendance, use solennellement de son droit de veto. Car, « celui qui ne hurle pas la vérité se fait complice des faussaires » (Péguy).
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