Les États-Unis ont déclenché leur guerre contre l’Irak.
Avec ce conflit, ils entendent contrôler l’accès aux ressources énergétiques de manière à disposer, à terme, d’armes économiques décisives pour exercer leur domination (doctrine Kissinger). L’Empire états-unien entend aussi démontrer sa capacité militaire de manière à dissuader tout autre État d’entrer en compétition avec lui et à imposer définitivement son statut d’unique super-puissance (doctrine Wolfowitz). Enfin, Washington veut « remodeler le Proche-Orient » en érigeant Israël en tête de pont des intérêts occidentaux dans le monde arabe, au besoin en appliquant la déclaration de Biltmore, c’est-à-dire en créant un État palestinien en Irak et en y déportant les populations de Cisjordanie et de Gaza (doctrine Perle).
Une catastrophe humanitaire programmée
Un rapport de l’ONU sur les conséquences sanitaires d’une guerre contre l’Irak, auquel ont contribué l’OMS et l’UNICEF, estime que 25 000 personnes pourraient être tuées directement ou indirectement par les bombardements, que 500 000 personnes pourraient avoir besoin d’une « assistance médicale » et que « l’état nutritionnel de plus de 3 millions de personnes nécessiterait une intervention thérapeutique ». Des estimations officieuses évaluent quant à elles le bilan moyen probable de l’attaque de l’Irak à 250 000 morts, 500 000 blessés et deux millions de personnes déplacées.
Bloquée par les États-Unis, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est traversée par des oppositions internes. Un groupe d’ONG et l’Association du personnel de l’OMS souhaitent attirer l’attention sur l’ampleur de la catastrophe humanitaire programmée. Mais l’OMS refuse de prendre part à un débat qualifié de « politique ».
– Lire « L’impact présumé d’une guerre en Irak fait des vagues à l’OMS », par Robert-James Parsons.
Pour prévenir cette catastrophe, Micheline Calmy-Rey, ministre des Affaires étrangères du gouvernement suisse, a convoqué une conférence internationale sur les conséquences humanitaires de la guerre. Son initiative a embarrassé le monde politique, y compris les principales agences humanitaires de l’ONU, alors que les États-Unis tentaient de l’empêcher.
– Lire « Les États-Unis tentent de torpiller la conférence humanitaire suisse sur l’Irak », par Sandro Cruz.
Lorsque l’armée la plus puissante du monde joue avec le feu
C’est le pays le plus désarmé que l’armée la plus puissante du monde a choisi d’attaquer. Dans ce champ de bataille propice, les États-Unis veulent expérimenter leurs nouvelles armes et faire une démonstration de force au reste du monde.
Si ce n’est pas la première fois que les industriels de l’armement mènent campagne en faveur de la guerre, le lobbying de Lockheed Martin pour l’attaque de l’Irak est d’une ampleur sans précédent. Son influence financière et idéologique au sein du Parti républicain et ses liens étroits avec les « faucons » de Washington en font un des principaux instigateurs de l’attaque de l’Irak.
– Lire « Une guerre juteuse pour Lockheed Martin ».
L’état-major interarmes envisage d’expérimenter de mini-bombes nucléaires. La nouvelle doctrine militaire états-unienne est le « Shock and Awe » (« Choquer pour se faire respecter »). Inspirée des bombardements de Guernica, Dresde, Tokyo, Nagasaki et Hiroshima, son principe est d’infliger à l’ennemi une souffrance massive et brutale qui le laisse hébété et convaincu qu’aucune résistance n’est possible.
– Lire « Rumsfeld "n’exclut pas" l’expérimentation de mini-bombes nucléaires sur les cobayes irakiens », par Thierry Meyssan.
L’ordre mondial a changé
Un État membre du Conseil de sécurité de l’ONU a décidé d’attaquer un État souverain. En engageant une guerre contre l’Irak, les États-Unis imposent le droit du plus fort au détriment du droit international. Le consensus qui régnait dans les organisations internationales a vécu et les alliances ont changé.
C’est à travers une tribune libre commune que huit chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne se sont désolidarisés de la France et de l’Allemagne face aux États-Unis. Plus qu’un clivage au sein de l’Union européenne, qui n’est de facto qu’une zone de libre-échange, c’est une profonde division au sein de l’OTAN, pacte militaire, qui s’est exprimé.
– Lire « La première fissure de l’Occident après la Guerre froide ».
La confiance en les anciens alliés est brisée. Les États-Unis auraient placé sur écoutes les délégations du Conseil de sécurité de l’ONU. Selon The Observer, qui publie une note interne de la NSA, la décision aurait été prise par Condoleezza Rice, au Conseil national de sécurité. Mais l’application de cette décision, qui nécessite la mise en œuvre du système Échelon, requière l’approbation des gouvernements membres de ce dispositif de renseignements. L’ordre de surveiller les délégations française et allemande est dirigé contre des pays alliés membres de l’OTAN.
– Lire « Washington et Londres placent l’ONU sur écoutes », par Thom Saint-Pierre.
La presse française a analysé le refroidissement des relations diplomatiques entre Paris et Washington comme une simple crise, comparable à celle qui vit le retrait par Charles De Gaulle du commandement intégré de l’OTAN. Au contraire, pour les « faucons » états-uniens, il ne s’agit plus d’une crise, mais d’une véritable rupture.
– Lire « "La France n’est plus l’alliée des États-Unis" déclare le président du Conseil de la politique de défense du Pentagone ».
Le visage de l’Empire
Dans ce monde devenu unipolaire, l’hyper-puissance états-unienne n’a plus de contre-modèle. Le « pays de la liberté » n’a plus a promouvoir son modèle face à celui d’un concurrent et les courants les plus réactionnaires qui l’animaient déjà peuvent se développer sans complexe.
Le Congrès des États-Unis a légalisé un projet titanesque de contrôle social à l’échelon planétaire appelé « Connaissance totale de l’information ». Avec l’adoption de ce programme, les notions de frontières étatiques et de vie privée n’ont plus de sens.
– Lire « L’œil du Pentagone », par Thierry Meyssan.
Alors que des camps viennent d’être construits sur le territoire des États-Unis pour accueillir plusieurs dizaines de milliers de « terroristes », des photographies de prisonniers de la base militaire de Guantanamo donnent une nouvelle image de ce pays : celle d’un État qui n’hésite plus à pratiquer la torture.
– Voir « Images officielles du pays de la liberté » et « En vol pour Guantanamo ».
Les partisans de l’État d’exception durcissent le ton. Dans le plus pur style maccarthyste, un journal livre la liste des « dix Américains les moins honorables ». Tandis que Jack Wheeler, le baroudeur de la Guerre froide, préconise, force détails à l’appui, les techniques de torture qu’il faut employer pour faire parler les terroristes.
– Lire « Conseils techniques pour torturer un islamiste suspecté de terrorisme », dans Tribunes libres internationales numéro 102.
Une intense activité a lieu à Washington pour redéfinir l’idéologie du nouveau système. La Maison-Blanche vient de théoriser publiquement sa doctrine de sécurité de la patrie.
– Voir les documents recensés dans Sources ouvertes, notamment : « Développements de la doctrine de sécurité de la patrie »).
À l’étranger, la vieille image de pays de la liberté reste encore dans les esprits. Mais aux États-Unis même, une résistance se constitue face à la militarisation du régime et à l’absence de réaction parlementaire.
– Lire notre dossier « Résistance intérieure à la militarisation des États-Unis » et consulter les documents de Sources ouvertes : « Abdication parlementaire ».
Le sénateur Edward M. Kennedy, frère de l’ancien président John F. Kennedy, dénonce frontalement la politique de l’administration Bush qui « a eu tort de permettre à ses éléments les plus zélés d’instrumentaliser la tragédie du 11 septembre » et mène le monde à la catastrophe en voulant utiliser une frappe nucléaire contre l’Irak : « Notre monde, déjà dangereux, vient de le devenir encore bien plus. »
– Lire « Le président Bush n’a pas su donner les réponses » et « L’idée d’une première frappe nucléaire en Irak porte le germe d’une catastrophe mondiale », par Edward M. Kennedy.
Plusieurs diplomates états-uniens ont présenté leur démission au secrétaire d’État Colin Powell. Le président Bush « a échoué » à justifier la guerre qu’il veut mener contre l’Irak, explique John H. Brown dans sa lettre de démission. Contestant « le sacrifice de ces intérêts globaux à la politique intérieure » et la « manipulation systématique de l’opinion publique américaine », John Brady Kiesling affirme pour sa part : « ce gouvernement a choisi d’utiliser le terrorisme comme un argument de politique intérieure, enrôlant un Al Qaïda dispersé et largement affaibli comme allié administratif ».
– Lire « Le président a échoué », par John H. Brown, et « L’administration Bush utilise Al Qaïda comme "allié administratif" », par John Brady Kiesling.
Les prochaines campagnes militaires de l’Empire
A la fin de l’année 2001, les États-Unis ont mené leur campagne d’Afghanistan avec l’approbation de « la communauté internationale » encore sous le choc des attentats du 11 septembre. Début 2003, leur campagne d’Irak inquiète. Car après l’Irak, l’Empire a d’autres cibles.
Les Nations Unies ont autorisé les États-Unis à pénétrer en Afghanistan pour arrêter Oussama Ben Laden et le traduire en justice. Ils pouvaient pour cela livrer bataille contre les Talibans, sans leur déclarer la guerre pour autant. Au lieu de quoi, l’armée états-unienne a bombardé l’Afghanistan et imposé un nouveau régime.
– Lire « Les fondements juridiques de la guerre en Afghanistan ».
Dans le discours sur l’Axe du Mal, l’Iran a été désigné comme cible n°2, après l’Irak. Les lobbystes s’activent pour ne perdre aucun instant.
– Lire « Qu’importe le contrôle de l’Afghanistan et de l’Irak sans celui de l’Iran ? », dans Tribunes libres internationales numéro 97.
L’état-major hésite à utiliser une mini-bombe atomique en Irak car les retombées radioactives sont extrêmement aléatoires. En parallèle, l’administration Bush cherche l’affrontement avec la Corée du Nord qu’elle présente comme un État voyou, menaçant la paix mondiale au moyen d’armes de destruction massive, notamment de l’arme nucléaire.
– Lire « Les États-Unis provoquent la Corée du Nord », par Roh Yoo-Jeong.
En développant très rapidement les Forces spéciales, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld ne cherche pas seulement à doter les États-Unis de moyens d’intervention rapides échappant au droit international. Il constitue surtout une armée parallèle pour vaincre les résistances de l’establishment militaire. Mais en affranchissant les Forces spéciales aussi bien du droit international que de la chaîne de commandement traditionnelle, il en fait des milices incontrôlables et s’expose à devoir assumer leurs pires exactions.
– Lire « Les milices de l’Empire », par Thierry Meyssan.
La machine à propagande
Pour faire accepter l’inacceptable, l’hyper-puissance états-unienne a engagé de gigantesques opérations de propagande. Mais les journalistes n’ont pas été formés pour résister à l’appareil d’État états-unien.
Pour balayer les objections de leurs alliés, les États-Unis ont décidé d’entreprendre de vastes campagnes de propagande en Europe en corrompant journalistes et écrivains. Ces opérations ne visent pas seulement à conquérir le consentement des opinions publiques à la politique impériale de Washington, elles ont aussi pour but d’éliminer les dirigeants politiques, les entreprises et les intellectuels qui s’opposent à elle. À la mi-décembre, Donald Rumsfeld a désigné la France et l’Allemagne comme cibles prioritaires.
– Lire « Rumsfeld cible la France et l’Allemagne », par Thierry Meyssan.
Depuis le 21 janvier 2003, une coordination de la propagande internationale, sobrement baptisée « Bureau des communications globales », se réunit tous les jours à la Maison-Blanche. Alastair Campbell, l’homme qui a créé l’image de Tony Blair, y participe par vidéo-conférence depuis le 10 Downing Street. Le Royaume-Uni s’associe donc aux État-Unis dans leurs opérations de corruption de journalistes et de désinformation.
– Lire « Le Royaume-Uni et les États-Unis font propagande commune », par Thierry Meyssan.
Mais la manipulation de l’information est parfois démasquée. Ainsi, le Premier ministre britannique a avoué, le 7 février 2003, avoir bidonné le rapport qu’il a distribué à la presse, aux parlementaires et au Conseil de sécurité sur le système de dissimulation d’armes de destruction massive que l’Irak aurait mis en place. Le 5 février, ce document avait servi de base à Colin Powell pour demander au Conseil de sécurité d’user de la force contre l’Irak.
– Lire « Tony Blair avoue le bidonnage du rapport britannique contre l’Irak ».
Ces ratés de la propagande n’empêchent pas le Bureau des communications globales de matraquer l’opinion publique internationale avec de nouvelles « informations ». Ainsi, un scientifique irakien, Hussain al-Shahristani, a confirmé les déclarations alarmistes de Colin Powell sur « les armes de destruction massives » que possèderait l’Irak et que les enquêteurs de l’ONU n’ont pas trouvées. Mais le « nouveau témoin », que la presse présente comme un ancien « haut responsable du programme nucléaire irakien », a en réalité quitté ses fonctions en 1979. Lors d’une précédente conférence de presse, il était accompagné à la tribune par des responsables anonymes des services secrets britanniques. Le 15 avril 2001, il s’était déjà illustré en affirmant que, en 1991, Saddam Hussein disposait, « à six mois près », de la bombe atomique. Une déclaration que le président Bush avait reprise en l’attribuant « par erreur » à un rapport de l’ONU.
– Lire « Témoin surprise », par S. A., depuis Manille.
L’administration Bush a requis les services de cabinets de relations publiques (Hill & Knowlton’s, Rendon Group, etc.) pour répandre diverses allégations à propos de l’Irak et les répéter sans relâche dans la presse. Compte tenu de la multiplicité des canaux de diffusion utilisés et par la seule force de la répétition, ces assertions parviennent au statut d’évidences communément acceptées. C’est ainsi qu’on les retrouve au fil des articles d’actualité ou sur les plateaux de débats télévisés sans qu’aucun journaliste ne prenne plus la peine d’en vérifier l’authenticité.
– Lire « Huit légendes médiatiques sur l’Irak », par Jack Naffair.
Dans la presse, des experts viennent confirmer les accusations de l’administration Bush contre l’Irak. Nombre de ces sources indépendantes qui s’expriment dans les grands médias de tous les continents viennent en réalité de Benador Associates. Ce cabinet de relations publiques israélo-états-unien met en scène la légitimité de la politique impériale des États-Unis : participation systématiques aux plateaux télévisés, tribunes libres dans les grands quotidiens, signatures de livres, etc.
– Lire « L’intime conviction n’a pas besoin de preuves, la mauvaise foi non », dans Tribunes libres internationales numéro 82 et « "La France n’est plus l’alliée des États-Unis" déclare le président du Conseil de la politique de défense du Pentagone ».
– Sur la propagande états-unienne et le conditionnement des populations et des journalistes, consulter aussi l’Observatoire de la propagande et la rubrique La presse de référence passé au stabilo.
Les faucons appellent la troisième guerre mondiale « Guerre des civilisations »
Depuis des années, les faucons alimentent l’idéologie qui doit servir à légitimer l’Empire états-unien. Samuel Huntington a popularisé ce qui est devenu la vision stratégique de l’administration Bush : le clash des civilisations. Selon cette représentation, le monde judéo-chrétien devrait défendre la liberté face à un terrorisme islamique. Mais les pays musulmans ne partagent pas la volonté belliqueuse de George W. Bush qui appelle à la « croisade » contre « l’Axe diabolique ».
– Lire « Le djihad et la croisade sont des instruments de la stratégie de domination états-unienne » et « Ni croisade, ni djihad, démasquons les vrais coupables ! », par Thierry Meyssan.
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