Alors que nous nous étonnions encore du nouveau drapeau irakien, qui semble symboliser qu’en Irak il n’y a que deux fleuves et des Kurdes et qui ressemble beaucoup au drapeau israélien, nous avons entendu les informations concernant la torture à la prison d’Abu Ghraib. La première chose à laquelle nous devons prêter attention est qu’elles sont apparues entre octobre et décembre, mais n’ont provoqué de réactions qu’aujourd’hui parce qu’elles n’étaient pas passées sur une chaîne états-unienne avant. Il faut que la télévision s’empare d’un sujet pour qu’il existe et qui sait le nombre de cas de torture non référencés par la télévision ?
On peut légitimement penser que ce type de traitement réservé aux prisonniers est quotidien. C’est la règle dans une occupation, demandez aux Palestiniens ? L’occupation est toujours l’occasion pour des jeunes d’exprimer librement sur une population plus âgée ses perversions sexuelles, son imagination malade, ses préjugés, sa haine et son racisme contre les occupés. Le colonialisme libre et démocratique a généralisé le droit au contrôle et à l’oppression. Dans une dictature, il y a des experts pour cela, mais en démocratie, le droit à la torture est pour tout le monde. Demandez aux Palestiniens.
Même si cela n’a rien de comparable, les images de corps entassés font visuellement penser à Auschwitz. D’ailleurs, bien qu’Ariel Sharon et George W. Bush le nient, il y a le même lien de violence dans le génocide des indigènes américains, des juifs et le comportement vis-à-vis des dissidents politiques et des populations sous l’occupation. Les jeunes soldats états-uniens sont venus défouler leur racisme, mais, dans notre monde moderne, on y ajoute l’exhibitionnisme en se prenant en photo.
Aujourd’hui, les mêmes penseurs états-uniens qui justifiaient la torture après le 11 septembre affirment que l’emploi de la torture en Irak est une exception. Ce sont pourtant eux qui ont installé l’atmosphère rendant ces exactions possibles en déshumanisant les Arabes à la télévision. Le pire drame dans tout cela est peut-être que les gens qui ont commis ces actes sont des gens normaux, c’est l’occupation qui est une perversion.
Dar Al-Hayat (Royaume-Uni)
Dar al Hayatest un quotidien arabe de politique international, basé au Royaume-Uni. Tirant à 110 000 exemplaires, ce journal mêle des articles purement informatifs et un grand nombre d’analyses et d’éditoriaux écrits par des intellectuels du monde arabe. L’une des figures les plus éminentes de la rédaction est Jihad Al Khazen, figure détestée des éditorialistes néo-conservateurs états-uniens. Libanais à l’origine, il a été racheté en 1990 par le prince et maréchal saoudien Khaled ibn Sultan.
« The Dialogue Of Cultures At Abu Ghraib », par Azmi Bishara, Dar Al-Hayat, 7 mai 2004.
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