Les images des troupes états-uniennes abusant des prisonniers irakiens ont représenté un plus grave choc pour la politique états-unienne au Moyen-Orient que la résistance irakienne, les pertes de troupes ou la mort du président du Conseil de gouvernement irakien. Les pertes civiles, les maisons détruites et les hôpitaux bondés n’ont pas troublé l’Américain moyen mais les choses ont changé quand les pratiques en vigueur à Abu Ghraib ont été dévoilées et l’Irak est passé du statut de problème extérieur à celui de problème intérieur aux États-Unis.
En ce qui concerne la Russie, de tels abus, et même pire, ont lieu en Tchétchénie mais aucun scandale proche de celui qui secoue les États-Unis n’a éclaté. Est-ce parce que la société américaine est plus humaine, ou plus naïve ? Aux États-Unis, ceux qui étaient opposés à la guerre se sont servis de ces images pour démontrer qu’une guerre injuste ne pouvait pas être menée sans employer des moyens ignobles, mais ces images ont également choqué les partisans de la guerre dans les milieux conservateurs. Leur choc face à ces images n’est pas dû à une empathie vis-à-vis des souffrances des Irakiens mais à la dégradation morale de l’armée états-unienne démontrée par ces photos. Ces images ont également fait naître la suspicion sur l’implication des plus hauts échelons hiérarchiques dans ce scandale.
L’ « Abu Ghraibgate » pourrait coûter cher à Donald Rumsfeld et à George W. Bush et fait ressurgir les tensions au sein de l’administration Bush. Cela offre une occasion rêvée pour les démocrates qui peuvent, grâce à cette affaire, condamner la politique de l’administration Bush sans condamner l’attaque de l’Irak en faisant appel à la fibre idéaliste des États-Unis. Toutefois, s’ils réussissent à gagner l’élection, ils devront alors prouver qu’on peut faire proprement un sale travail.
« Abu Ghraib Shows Moral Degradation », par Boris Kagarlitsky, Moscow Times, 27 mai 2004.
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