Le procès de Saddam Hussein peut-il être conduit avec suffisamment d’équité pour répondre aux critères d’un procès juste ? Quoi qu’il en soit, un verdict de culpabilité sera présenté, et pas seulement dans le monde arabe, comme le résultat d’une justice des vainqueurs. Après tout, Saddam a été capturé par des soldats américains durant une guerre dont le commandant en chef américain a rejeté l’entière responsabilité sur le dictateur irakien.
Aujourd’hui, bien que la guerre ne soit pas finie, Saddam est dans le box des accusés. Il affirme pour sa défense qu’il est toujours le président de l’Irak et que la cour, contrôlé par les États-Unis, n’a pas le droit de juger des actions militaires menées au nom des intérêts légitimes de l’Irak. La famille de Saddam a rassemblé une petite armée d’avocats regroupant la fine fleur des juristes anti-américains, dont la fille de Khadafi. Tout est en place pour un procès politique où l’accusé pointera du doigt les forces d’occupation et leur cour fantoche.
La procédure du tribunal est semblable à celle de La Haye sur l’ex-Yougoslavie, ce qui implique l’existence de juges d’instruction, une procédure qui donne plus de poids à l’accusation et diminue la présomption d’innocence. En outre, on peut utiliser les résultats d’interrogatoires conduits sans présence d’un avocat, ce qui serait interdit aux États-Unis. Mais la différence avec les procès de ce type menés par le passé est qu’il est conduit par des Irakiens et non par des juristes internationaux.
La clé d’un procès équitable est l’indépendance de la justice par rapport au pouvoir politique. En Irak, les protections institutionnelles font défaut et la capacité à rendre un jugement indépendant dépendra de l’intégrité et du courage des magistrats. La première question çà laquelle il faut répondre est l’indépendance de la cour de justice vis-à-vis des États-Unis. Elle peut se mesurer à la réaction qu’auraient les États-Unis face à un acquittement de Saddam Hussein. Dans une telle situation, les États-Unis ne le libèreraient pas, mais il serait alors gardé comme prisonniers de guerre, plus comme criminel. Quoi qu’il en soit, il est extrêmement douteux que Saddam Hussein puisse être acquitté même si certaines accusations pourraient aboutir à des non-lieux. Ainsi, il serait facile pour les avocats de comparer l’invasion du Koweit à celle de l’Irak par George W. Bush. C’est pourquoi mieux vaut concentrer l’accusation sur le gazage des Kurdes et d’autres crimes spécifiques à Saddam Hussein. Après tout, le tribunal de Nuremberg avait acquitté des nazis notoires de certains crimes.
Si le procès paraît juste, Saddam perdra des soutiens en Irak. Nous devons respecter le droit et Nuremberg nous enseigne que même la justice des vainqueurs peut être juste.
« Saddam on Trial », par Alan M. Dershowitz, Wall Street Journal, 6 juillet 2004.
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