Je reviens d’un séjour en Israël et en Palestine où j’ai pu mesurer l’exaspération que l’occupation et la colonisation de la Cisjordanie imposent tant aux Palestiniens qu’aux Israéliens qui militent courageusement contre le « Mur » et pour la paix. Je veux dire aux dirigeants du gouvernement israélien, aux membres de la Knesset et aux commandants en chef de Tsahal qu’Israël a perdu le respect et la sympathie de millions de juifs dans le monde qui avaient de tout cœur applaudi la création de cet État.
Nous pensions alors assister à la naissance d’une démocratie moderne fondée sur la convergence des valeurs éthiques plurimillénaires de la foi juive et de celles de la Charte de l’ONU, mais vos prédécesseurs et vous-même avez manqué au devoir de tenir compte des frustrations infligées aux habitants de la partie de la Palestine qui est devenue l’État d’Israël, en leur refusant la plénitude des droits civiques. Vous avez fait l’usage de votre écrasante supériorité militaire pour imposer une occupation et l’implantation de colonies aux habitants de l’autre partie de la Palestine. Vous avez oublié les commandements du droit humanitaire et répliqué à des attentats-suicide inacceptables par des représailles également inacceptables, alimentant ainsi l’incendie
Il est grand temps que vous preniez conscience du mal que tout cela fait à l’image d’Israël dans le monde et à ses perspectives d’avenir. Vous devez changer de politique pour vous rapprocher des solutions de la « feuille de route » ou de celles de Yossi Beilin et de Yasir Abed Rabbo. Ce résultat ne peut être atteint que par une négociation de bonne foi avec les dirigeants palestiniens responsables et sous l’égide des Nations unies. Toute action unilatérale telle que l’évacuation de quelques colonies arbitrairement choisies ne peut être considérée comme un premier pas que si elle inclut la claire volonté de discuter avec vos partenaires de l’ensemble des mesures qui conduiront à un règlement définitif.

Source
Le Monde (France)

« Pour l’honneur d’Israël », par Stéphane Hessel, Le Monde, 28 septembre 2004.