Pour justifier l’usage de la puissance états-unienne, tous les présidents lisent le même script : les États-Unis défendent la liberté, la démocratie, les oppressés et les États-Unis sont le seul pays dans l’histoire des grandes puissances à agir en faveur des " droits inaliénables " qui sont les droits de toute l’humanité dès la naissance. Le script est signé de Woodrow Wilson et tous les présidents l’ont repris, car il donne une latitude d’action extraordinaire et les immunise contre toute responsabilité face à un échec. En pratique pourtant, les idéaux de la politique états-unienne coïncident avec des considérations plus tangibles et les principes wilsoniens sont devenus très sélectifs : Bill Clinton s’est intéressé à la Bosnie mais au Rwanda et George W. Bush a insisté sur la libération de l’Irak mais ne s’occupe pas du Darfour. Les démocrates et les républicains n’ont pas le monopole de l’hypocrisie, et à Paris et Berlin on affirme aussi agir au nom de l’altruisme, mais au moins dans ces pays on reconnaît que ce discours n’est qu’un emballage.
Parfois, dans l’histoire états-unienne cette expression de l’idéalisme wilsonien devient cependant quelque chose de beaucoup plus problématique. C’est arrivé en 1917 et ça recommence depuis le 11 septembre. En intériorisant profondément les ambitions et les prérogatives de la doctrine Wilson, les hauts responsables de l’administration Bush affirment avec certitude que l’histoire a chargé les États-Unis d’assurer le triomphe universel de la liberté et de la démocratie dans le monde. Pour parvenir à cette fin, tous les moyens sont bons : les abus d’Abu Ghraib, dissimuler le nombre de civils irakiens tués…etc. Quand l’aventure impériale tourne mal, la classe politique locale continue à la décrire comme l’expression de la bonne volonté des États-Unis et même John Kerry a décrit les problèmes en Irak comme la conséquence d’une mauvaise gestion ; il n’a pas remis en cause les postulats de départ.
Cette position n’est pas tenable, mais le débat présidentiel n’a malheureusement pas permis de l’afficher.
« Unsafe for Democracy », par Andrew J. Bacevich, Los Angeles Times, 8 novembre 2004.
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