Après la réélection de George W. Bush, la réforme de l’ONU paraît moins que jamais à l’ordre du jour malgré la remise du rapport des 16 sages sur ce sujet commandé par Kofi Annan. Ce n’est pas la première proposition de réforme depuis la fin de la Guerre froide, mais les autres sont restés lettre morte faute d’accord des membres permanents du Conseil de sécurité. Toutefois, l’opportune initiative du secrétaire général, injustement pris pour cible par quelques sénateurs républicains, nous rappelle la nécessité d’une réforme.
Dans leur rapport, les sages rappellent les dangers qui pèsent sur la sécurité du monde, puis avancent prudemment deux possibilités de réforme : la première consiste à créer six nouveaux membres permanents sans droit de veto, un Européen, un Latino-Américain, deux Asiatiques et deux Africains et de nouveaux membres non permanents ; la seconde prévoit huit semi-permanents de plus (deux par continent) et un membre non permanent. Ils demandent également la formation de spécialistes de la médiation dans les conflits ethniques ou religieux et la création d’un nouvel organisme intergouvernemental chargé de la reconstruction post-conflit. Pour notre part, nous sommes arrivés à la conclusion que concernant le Conseil, la solution optimale consisterait à créer six nouveaux membres permanents : Japon, Inde, Allemagne, un Latino-Américain, un Africain et un Arabe, car le découpage par continent les exclut artificiellement. Le siège des trois derniers serait permanent, mais le titulaire pourrait changer tous les trois ou quatre ans si le groupe régional correspondant ne se mettait pas d’accord sur un seul pays. Ces nouveaux membres disposeraient bien sûr des mêmes prérogatives que les autres membres. Dans le même temps, la Charte de l’ONU serait réformée pour permettre que souveraineté nationale et veto puissent être suspendus pendant un temps limité, si cela était nécessaire pour porter assistance à une population en danger imminent, même contre le gré de son gouvernement.
Nous pensons qu’il ne faut pas s’arrêter à la seule réforme du Conseil de sécurité. Nous suggérons également :
– La relance du Conseil des tutelles, conçu autrefois pour conduire des territoires colonisés à l’indépendance et qui, réactivé, pourrait utilement coordonner la reconstruction de certains pays.
– La transformation du Conseil économique et social pour en faire une sorte de Conseil de sécurité économique.
– La création d’une assemblée consultative mondiale, regroupant des représentants qualifiés de la société civile mondiale et qui pourrait saisir et interpeller ce Conseil Ecosoc rénové, par exemple avant chaque Assemblée générale.
Il faut aussi envisager des réformes pour le FMI, la Banque mondiale et l’OMC en transformant les instances de décision afin qu’elles soient plus représentatives de l’état du monde actuel et leur insuffler plus de légitimité et de responsabilité. De même qu’il faut réhabiliter le rôle de l’Organisation internationale du travail et créer une Organisation mondiale de l’environnement.
Malheureusement, ces propositions de réforme se heurtent aux détenteurs du pouvoirs dans les institutions internationales. C’est là qu’ont échoué toutes les propositions de réformes depuis dix ans. Toutefois, chaque proposition de réforme lance des idées qui « font leur chemin ». Tôt ou tard, la pression fera sauter le verrou et il faut nous tenir prêts à ce grand rendez-vous.
« Relancer le multilatéralisme et réformer l’ONU », par Hubert Védrine et Henri Nallet, Le Monde, 6 janvier 2005.
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