Chers députés,
Aujourd’hui, nous examinons le problème international ultra-aigu, qui attire actuellement l’attention du monde entier - la situation autour de l’Irak.
Ces derniers mois, la Russie avec les autres pays a déployé les efforts énergiques visant à ne pas admettre la guerre et aboutir au règlement politique du problème irakien. Ceci dit, nous nous rendions entièrement compte que de la voie par laquelle sera réglé ce problème, dépend non seulement le sort de l’Irak, mais, pour beaucoup, l’avenir des relations internationales.
Voilà pourquoi la Russie a obstinément et consécutivement cherché à obtenir le règlement de la situation autour de l’Irak sur la base du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. En réglant ce problème, nous cherchions à créer les conditions pour surmonter d’autres problèmes gravissimes, avant tout ceux qui sont afférents à la menace du terrorisme international et autres défis globaux. Globalement parlant, il s’agissait de faire à travers le règlement irakien le pas vers le nouvel ordre mondial juste et sûr.
Dans ces efforts, nous nous appuyions sur la compréhension et le soutien du large cercle des États, y compris la majorité des membres du Conseil de sécurité de l’ONU. La base pour les actions concertées de la communauté internationale dans le problème irakien a sûrement existé et existe toujours. C’est la reconnaissance universelle du besoin de répondre À la question majeure : est-ce que l’Irak possède des armes d’extermination massive ou non. C’est ce but que servait la résolution 1441, adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité, sur la base de laquelle les inspecteurs internationaux avaient repris leur activité en Irak. La Russie, comme on sait, a beaucoup fait pour que Bagdad donne son accord inconditionné À la reprise des contrôles. Il est d’une importance de principe que, grâce à l’union de la communauté internationale et la pression commune exercée sur les autorités irakiennes, l’Irak ait accepté pratiquement toutes les exigences des inspecteurs et n’ait fait aucun obstacle sérieux à leur activité. Il a octroyé l’accès inconditionné et illimité à tous les objets en Irak.
En quatre mois et demi de leur travail en Irak, les inspecteurs de la CCVINU et de l’AIEA ont atteint un progrès sensible. Les résultats de ce travail sont bien connus. Il suffirait de citer la liquidation des missiles "Al-Samoud-2".
L’activité des inspecteurs a été plusieurs fois discutée aux séances du Conseil de sécurité de l’ONU, y compris quatre fois - au niveau des ministres des affaires étrangères. Et, à chaque fois, il devenait toujours plus évident que les inspecteurs disposaient de tout le nécessaire pour s’acquitter avec succès de leur mission - terminer le processus du désarmement de l’Irak par voie pacifique.
Malheureusement, ce travail a été interrompu - et interrompu malgré la volonté du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais même les résultats obtenus sont suffisants pour affirmer en toute responsabilité : l’Irak ne constitue pas de menace directe pour la sécurité des Etats-Unis ou d’un autre État. Nous avons plusieurs fois posé devant nos partenaires américains la question, de quoi concrètement Bagdad les menace-t-il, sans jamais recevoir de réponse claire. Il est notoire que même les politiciens compétents des USA, en particulier, l’ex-secrétaire d’État Madeleine Allbright, déclarent que la frappe contre l’Irak sera "la première guerre dans l’histoire des USA qu’ils déclenchent sans Êêtre directement menacés".
Au même titre, il n’existe non plus aucun fait probant qui confirme les accusations de l’Irak du soutien du terrorisme international.
Ce n’est pas par hasard que, dans ces conditions, les partisans du règlement par la force avaient commencé à faire avancer au premier plan les questions sans rapport direct avec les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Irak. Ils ont commencé à déclarer que le problème n’était pas des contrôles, mais de ce que l’Irak devait se désarmer lui-même et le prouver au monde entier. Puis, ont suivi des déclarations qu’il ne s’agissait plus du désarmement de l’Irak, mais du changement du régime dans ce pays. Dans les tout derniers temps, a été avancé encore un argument : la guerre contre l’Irak serait nécessaire pour entamer le processus des transformations démocratiques dans tout le monde islamique. Bref, on cherchait à tout au prix à trouver des raisons pour justifier le règlement militaire du problème irakien. Et cela se passait juste au moment où la perspective du désarmement de l’Irak par voie des contrôles internationaux était devenue plus que réelle.
Sur ce plan, la séance du Conseil de sécurité de l’ONU au niveau des ministres des affaires étrangères, convoquée à notre initiative le 19 mars, est devenue extrêmement importante. Les rapports des dirigeants de la CCVINU et de l’AIEA qui y ont été présentés et qui contenaient la liste des questions concrètes qui exigeaient l’éclaircissement, ont prouvé de manière convainquante l’efficacité du mécanisme actuel des contrôles. Cela a encore une fois confirmé le caractère inventé des affirmations sur l’imminence de la frappe contre l’Irak comme l’unique moyen possible de son désarmement.
Malgré tout cela, les États-Unis ont déclenché le 20 mars les hostilités contre l’Irak. Concernant notre appréciation de cette action, elle figure dans la déclaration détaillée de V.V.Poutine, président de la fédération de Russie. Cette action n’a certainement aucune base juridique. Les tentatives de la justifier en invoquant les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU prises auparavant sont invalides. Car en conformité avec la résolution 1441, l’évaluation du degré de la coopération de Bagdad avec l’ONU doit Êêtre donnée par le Conseil lui-même sur la base des rapports de la CCVINU et de l’AIEA. En d’autres termes, seul le Conseil de sécurité de l’ONU peut reconnaître la violation par la partie irakienne de la résolution 1441, et stipuler des actions à déployer à ce propos en conformité avec le chapitre VII des statuts de l’ONU, s’il existe des raisons de l’usage de la force contre l’Irak. En l’absence de cette décision du Conseil de sécurité, les actions de force contre l’Irak - je veux le souligner une fois de plus - n’ont pas de base légitime.
Peu avant le début de l’opération, Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, a directement déclaré que "si les USA et les autres pays dépassaient les cadres du Conseil de sécurité de l’ONU et déclenchaient les hostilités, cette action ne correspondrait pas aux statuts de l’ONU".
On se pose des questions également en ce qui concerne les plans déclarés de l’occupation militaire de l’Irak. En l’absence de la décision appropriée du Conseil de sécurité de l’ONU, cette occupation serait illégitime, puisqu’elle serait le résultat de l’usage illégitime de la force contre l’inviolabilité territoriale ou politique d’un État indépendant.
On est sérieusement préoccupé par la situation humanitaire qui se forme en Irak. Aujourd’hui déjà, on a des chiffres des victimes parmi les civils. À ce propos, surgit la question sur la manière dont seront observées au cours de ce conflit les normes du droit humanitaire international. En particulier, il s’agit de l’interdiction d’attaquer les personnes et les objets civils ; du non-usage des armes d’action non sélective, qui portent un dommage excessif ; de l’inadmissibilité du dommage sérieux causé à l’environnement. Comme le montre la réaction de la majorité des États du monde, les actions des USA contre l’Irak ne jouissent pas du soutien international. Le fait de jongler avec la thèse selon laquelle la création d’une large coalition anti-irakienne pourrait remplacer la volonté de la communauté internationale, qui doit s’exprimer à travers les décisions appropriées de l’ONU, ne parvient pas à persuader quelqu’un. On reste surtout perplexe devant les tentatives de présenter cette action comme "libératrice".
Ce qui témoigne du rejet de la frappe contre l’Irak, c’est le fait que voilà déjà depuis plusieurs semaines, le monde entier connaît de larges manifestations antimilitaristes, y compris aux États-Unis mêmes.
A présent, la tâche la plus urgente consiste à garantir le retour le plus rapide du problème irakien dans le lit du règlement politique sur la base solide des Statuts de l’ONU et du droit international. La Russie est profondément persuadée que dans le règlement de ce problème, le rôle clé doit toujours revenir au Conseil de sécurité de l’ONU. Il est, en particulier, important qu’à la séance du 19 mars, on ait réussi à adopter la décision du Conseil sur le fait que les contrôles internationaux n’étaient pas arrêtés, mais suspendus. Ainsi, est conservée la possibilité de revenir à achèvement du mandat de la CCVINU et de l’AIEA dès qu’on aura les conditions nécessaires pour cela.
À ce propos, je veux surtout m’arrêter à une chose. Maintenant, on parle beaucoup de la perte par ONU de son rôle dans les relations internationales, on la compare à la Société des Nations. Je ne peux catégoriquement pas en convenir. Au contraire, l’expérience unique des contrôles en Irak témoigne que le Conseil de sécurité de l’ONU, en tant qu’organe qui assume la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, s’est intégralement acquitté de ses obligations, garantissant l’envoi en Irak des inspecteurs internationaux et la création des conditions nécessaires pour leur activité. Cette expérience peut servir à l’avenir, compte tenu du caractère aigu du problème de la prolifération d’armes d’extermination massive dans le monde.
Et une dernière chose. À toutes les étapes du développement de la situation autour de l’Irak, nous avons agi de manière consécutive et pondérée, en défendant fermement notre position de principe, sans toutefois en venir à la confrontation avec les autres États. Nous avons cherché à obtenir le soutien de la perspective positive de l’unité et de la coopération des États-membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Et aujourd’hui, cette ligne répond entièrement tant aux intérêts nationaux de la Russie qu’à ceux de toute la communauté internationale.
Dans les conditions actuelles, il est encore difficile d’évaluer toutes les conséquences éventuelles de la guerre déclenchée. Cependant, on peut affirmer de plein droit qu’elle n’aura pas pour résultat la stabilisation, mais, au contraire, l’aggravation ultérieure de la situation dans la région. C’est à cela que mènent inexorablement les tentatives d’imposer par la force au peuple irakien et aux autres peuples du Proche-Orient tel ou tel autre modèle du régime étatique. Ces prétentions ne vont faire que le jeu des extrémistes, qui agissent sous les slogans islamistes radicaux. Car ces forces n’ont cesse d’attendre un prétexte pour justifier leur activité terroriste et multiplier les rangs de leurs partisans dans le monde musulman. Tout cela contredit directement les objectifs, pour l’obtention desquels a été créée la coalition antiterroriste internationale.
Voilà pourquoi il est d’une importance vitale d’arrêter la guerre au plus vite et de rétablir l’unité de la communauté internationale. C’est la condition nécessaire de la poursuite de la coopération multilatérale dans la lutte contre les menaces et défis globaux.
Dans ces questions, le rôle important appartient À l’interaction dans le cadre des Parlements. Dans les conditions où l’opinion mondiale proclame avec toujours plus de fermeté son rejet du règlement du problème irakien par la force, les parlementaires peuvent faire beaucoup pour unir les efforts de la communauté internationale pour surmonter rapidement la crise autour de l’Irak.
Je voudrais assurer les estimés députés que le ministère des Affaires étrangères sera ouvert à l’interaction la plus étroite avec l’Assemblée fédérale sur ce problème gravissime et espère votre compréhension et votre soutien.
Merci pour votre attention.
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