Les responsables politiques et les fonctionnaires de deux administrations font aujourd’hui face à des accusations sur leur incapacité à agir contre le terrorisme avant et après le 11 septembre. Leurs dénégations cachent cependant une faiblesse cruciale dans la préparation de l’armée états-unienne au moment où Al Qaïda était le plus vulnérable.
En 1998, quand Oussama Ben Laden et les camps d’entraînements d’Al Qaïda furent identifiés comme une menace sérieuse, des plans d’attaques furent conçus. Les Forces spéciales états-uniennes comprennent 29 000 hommes et sont des troupes d’élites sans équivalents dans le monde. Toutefois, contrairement aux Forces spéciales d’autres pays, elles sont très peu utilisées. L’état-major renâcle à leur confier des missions et fait annuler la plupart des plans d’action prévoyant leur intervention. Ainsi, en 1996, l’opération Amber Star, visant à arrêter Mladic et Karadzic, fut annulée après deux ans de préparation car l’état-major avait, pour minimiser les pertes, demandé un déploiement de troupes si impressionnant qu’on finit par estimer que cela n’était pas pertinent. Des millions de dollars furent dépensés en préparations vaines et les deux hommes restèrent libres. L’ironie est que, compte tenu de cette approche, les commandos ont peu d’expérience du combat d’où leurs échecs lorsqu’on fait appel à eux, comme on l’a vu à Mogadiscio en 1993.
Il faut admettre que l’emploi des Forces spéciales comporte des risques, mais qu’il faut pourtant les utiliser. Je pense que ce n’est pas George W. Bush ou Bill Clinton qui sont responsables des échecs de la politique états-unienne, mais la bureaucratie militaire. Pour conclure, il faut noter que la meilleure chance d’arrêter Ben Laden fut en 1999 quand il a rencontré la famille réganante des Émirats arabes unis, sans doute pour recevoir de l’argent. Mais une opération fut annulée car Richard Clarke, qui reproche aujourd’hui à l’administration Bush de ne pas avoir assez fait contre le terrorisme avant le 11 septembre, a cru aux promesses de coopération de la famille royale.

Source
Daily Telegraph (Royaume-Uni)

« The generals were scared of their own strength », par Edward N. Luttwak, Daily Telegraph, 28 mars 2004