Le 20 septembre dernier, des tirs de mortiers rebelles contre la prison d’Abu Ghraib tuaient deux militaires d’une division impliquée dans les abus contre les prisonniers. Les deux hommes David T. Friedrich et Lunford B. Brown n’étaient pas eux-mêmes suspects, a priori, de mauvais traitements contre les prisonniers. Leur mission était le renseignement, ce qui suppose un entraînement spécial, mais ils n’avaient pas été formés pour ça, c’était juste des soldats moyens.
Quand, il y a 30 ans, j’ai rejoins le renseignement militaire, la plupart d’entre nous étaient comme Friedrich et Brown au départ. Toutefois, certains parmi nous étaient des cow-boys, se prenant pour James Bond, avec un goût du secret et du pouvoir. Durant les trois ans que j’ai passé à Berlin Ouest pendant la Guerre froide, ce sont eux qui ont mis en péril des opérations, qui brisaient les règles ou même se rapprochaient des services de renseignement soviétique ou d’Europe de l’Est. Ce qui permettait de les tenir était un bon entraînement, des règles claires et une hiérarchie stricte. Ces règles sont encore plus vitales en Irak, mais ni Friedrich, ni Brown, ni les autres n’ont bénéficié d’une telle formation.
Pourtant, leur unité était chargée des interrogatoires, et ce dans un contexte où il devient de plus en plus urgent de bénéficier de renseignements exploitables et où même la prison subit des attaques. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que ce qui est arrivé par la suite advienne. Le CICR estime que ces pratiques sont concertées et répandues en Irak, mais ce n’est pas incompatible.
Aujourd’hui, pour restaurer le prestige de l’armée, il faut donner un grand coup de balai.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« The Making of a Mob », par William M. Arkin, Los Angeles Times, 16 mai 2004.