John Kerry a reçu la semaine dernière un coup de pouce dans sa campagne quand 27 anciens diplomates et militaires de haut rangs ont rédigé un appel demandant aux Américains de ne pas réélire George W. Bush. Ils n’appellent pas explicitement à voter pour Kerry, mais les vieux guerriers et initiés sont plus à l’aise avec le sénateur du Massachusetts qu’avec l’actuel président car il reprend la politique étrangère de Clinton en y incluant sa propre forme de bellicisme.
Rien ne me ferait plus plaisir que de voir Bush perdre l’élection présidentielle, toutefois Kerry est une sombre alternative dont la politique de « moi pareil, mais en mieux » concernant la guerre au terrorisme pourrait mettre en danger les États-Unis. Kerry n’offre aucun plan de retrait d’Irak, ne veut rien changer en Afghanistan, continuera la politique des frappes préventives, veut accroître la taille de l’armée en développant les unités d’opération spéciale et offrir plus de capacité d’intervention dans le monde aux États-Unis. Il veut par ailleurs créer une nouvelle agence de renseignement intérieur et développer les programmes de sécurité de la patrie. Certes, Kerry veut également reconstruire les alliances des États-Unis et a promis de ne plus engager un conflit sans prévoir de plan pour gagner la paix. C’est positif, mais cela ne l’empêche pas de décrire le monde et les défis auxquels fait face l’Amérique dans un langage similaire à celui de George W. Bush, Dick Cheney et Donald Rumsfeld.
Ainsi, il affirme que le terrorisme est « la principale menace pour la sécurité nationale de notre génération », que le premier objectif doit être « d’empêcher les terroristes d’acquérir des armes de destruction massive » et que les États-Unis pourraient frapper les premiers en cas d’attaques « qui semblent imminentes ». Le sénateur a par ailleurs promis « d’employer la force pour défendre les intérêts américains partout dans le monde si cela est nécessaire » et il a promis de « combattre les ennemis sur tous les continents » (je suppose qu’il n’inclut quand même pas l’Antarctique). Il souhaite également orienter les forces de l’ordre dans la « défense de l’Amérique » et accroître les effectifs militaires. Cette dernière mesure prendra du temps. En attendant, il veut développer le poids des opérations spéciales dans notre défense, ce qui est la doctrine Rumsfeld. Il adhère également à la logique de Bush selon laquelle le terrorisme représente une telle menace que nous devons y sacrifier notre liberté et que nous devons repenser notre gouvernement et notre armée pour le combattre.
Il est absurde de comparer la guerre au terrorisme à la Seconde Guerre mondiale ou à la Guerre froide. Il faut que les gens intelligents, et je ne doute pas que Kerry en fasse partie, remettent en cause les idées de base nées de l’hystérie post-11 septembre. Car en exagérant la menace, on ne fait que ce qu’attendent les terroristes. La guerre au terrorisme n’a fait qu’accroître la haine et donc les risques. En outre, dans le monde arabe, le fait que Kerry adopte le point de vue de Bush renforce l’idée que ce sont les États-Unis qui sont le problème, pas la seule administration Bush. Il faut que les démocrates offrent une vraie alternative.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Kerry : a Lighter Shade of Bush, par William M. Arkin, Los Angeles Times, 20 juin 2004.