Longtemps après la fin de la Guerre d’Irak, nous serons hantés par les crimes d’Abu Ghraib. Les explications fournies pour l’instant par le Pentagone et la Maison-Blanche ne sont pas suffisantes. Donald Rumsfeld a beau déclarer qu’il est responsable, seuls les soldats sont inculpés. Le président a déclaré que ces actes ne reflétaient pas l’Amérique et a déployé l’artillerie lourde contre les jeunes qui ont commis les tortures.
Les jeunes hommes et femmes qui ont commis ces crimes sont responsables de leurs actes, mais ils ne sont pas les seuls car à haut niveau on a montré un véritable dédain pour le droit et les institutions internationales. La doctrine des frappes préventives est une violation des lois internationales. La Maison-Blanche a refusé d’appliquer la Convention de Genève aux « combattants ennemis » détenus à Guantanamo et ils peuvent être maintenus en détention sans charges indéfiniment. D’après Seymour Hersh, la CIA a des centres de tortures pour interroger les détenus. Le matin juste avant la publication de ces photos, l’administration Bush affirmait devant la Cour suprême que les citoyens états-uniens détenus à Guantanamo ne pouvaient disposer d’aucun de leurs droits constitutionnels.
L’horreur des humiliations sexuelles des photos a masqué les pratiques autorisées par le Pentagone qui sont considérées par Human Right Watch et Amnesty International comme illégales. Aujourd’hui, le Pentagone n’a toujours pas fourni au Congrès le nom du responsable direct qui a supervisé les tortures d’Abu Ghraib, se perdant dans les organigrammes séparés des services de renseignement, de l’armée et des sous-traitants. Le cynisme de l’administration Bush fait courir un risque à nos troupes qui pourraient être capturées. Si l’administration Bush veut montrer qu’elle se sent vraiment responsable, elle doit le montrer davantage qu’en s’attaquant à de jeunes soldats.

Source
El Periodico (Espagne)

« El horror de Abu Graib », par Jesse Jackson, El Periodico, 1er juin 2004