TILLERSON : Merci. Merci. Merci beaucoup.
Eh bien, bonjour. Je suis absolument, absolument ravi de cette opportunité de pouvoir venir à Stanford à l’occasion de mon passage sur la côte ouest et surtout de pouvoir m’adresser à ce groupe. Et je tiens à remercier Stanford et la Hoover Institution, ainsi que le groupe d’études internationales, de m’avoir permis de m’adresser à vous ce matin. Je connais bien la Hoover Institution : j’y ai pris la parole au cours de certains de ses événements dans le passé avant d’être au poste que j’occupe actuellement, et c’est un lieu qui a toujours produit de solides travaux fondés sur des principes qui démontrent la pertinence d’un gouvernement représentatif, de l’entreprise privée et de la protection du mode de vie américain au centre de vos activités, des sujets très importants auxquels nous consacrons notre temps.
Et à cet égard, vous comptez certainement dans vos rangs un véritable défenseur : mon amie, Madame Condoleezza Rice, qui… j’ignore si elle assume la responsabilité de ma présence ici suite à son invitation, mais je… (rires)… Je la tiens en partie responsable de toute manière. Et… mais j’apprécie les conseils et les recommandations de Condi. Quand je suis arrivé dans le bureau du secrétaire d’État, j’ai cherché le mode d’emploi ; et il n’y en avait pas. Elle a donc été une grande source d’aide et d’inspiration pour moi.
Je tiens également à remercier l’autre personne qui m’a invité aujourd’hui, certainement l’un des fonctionnaires les plus dévoués et les plus doués de notre pays au XXe siècle : l’ancien secrétaire d’État George Shultz. George et moi nous connaissons depuis longtemps, et je suis aussi un grand admirateur de son travail.
Je reviens tout juste d’une rencontre ministérielle à Vancouver, au cours de laquelle un certain nombre de pays ont discuté de la meilleure manière de mettre en œuvre notre campagne de pression maximale contre la Corée du Nord. Les États-Unis et nos alliés sont unis, et ils le resteront, dans leur poursuite de cette campagne, tant que la Corée du Nord n’aura pas pris de mesures significatives en vue de sa dénucléarisation. Nous sommes tous d’accord, chacun d’entre nous, sur le fait que nous n’accepterons pas que la Corée du Nord soit dotée de l’arme nucléaire.
De Vancouver, je me suis rapidement rendu en Californie. Et je suis reconnaissant de l’aide que Madame Rice m’a apportée en arrangeant tout cela en si peu de temps. Certaines personnes à Washington me soupçonnent de vouloir échapper au mauvais temps aujourd’hui en venant ici, mais bon, je suis ravi d’être ici.
Le sujet de mon allocution aujourd’hui est la présentation de la voie à suivre pour les États-Unis en Syrie.
Je commencerai par vous donner une sorte de large contexte historique et politique des situations très difficiles auxquelles le peuple syrien est confronté, et qui soulèvent également des inquiétudes pour l’ensemble des puissances internationales.
Je décrirai ensuite la raison pour laquelle il est crucial pour notre défense nationale de maintenir une présence militaire et diplomatique en Syrie, afin d’aider à mettre fin à ce conflit et d’aider le peuple syrien à tracer une voie pour réaliser un nouvel avenir politique.
Et enfin, je détaillerai les mesures prises par cette administration pour parvenir à une Syrie stable, unifiée et indépendante, exempte de menaces terroristes et exempte d’armes de destruction massive.
Ensuite, comme cela a été indiqué, Madame Rice et moi-même aurons une petite conversation.
Depuis près de 50 ans, le peuple syrien souffre, d’abord sous la dictature de Hafez el-Assad et ensuite de son fils Bachar el-Assad. La nature du régime Assad, tout comme celle de son État commanditaire, l’Iran, est pernicieuse. Le régime a favorisé la terreur d’État. Il a renforcé les groupes qui sont responsables de la mort de soldats américains, comme al-Qaïda. Il a soutenu le Hezbollah et le Hamas. Et il a violemment réprimé l’opposition politique. La grande stratégie de Bachar el‑Assad, en admettons qu’il en ait une au-delà de sa propre survie, consiste à héberger certains des éléments terroristes les plus radicaux de la région et à les utiliser pour déstabiliser ses voisins. Le régime d’Assad est corrompu et ses méthodes de gouvernance et de développement économique ont contribué de plus en plus à l’exclusion de certains groupes ethniques et religieux. Son bilan en matière de droits de la personne est notoire dans le monde entier.
Une telle oppression ne peut durer éternellement. Et au fil des années, la colère latente s’est accumulée dans le pays : de nombreux Syriens se sont soulevés et se sont opposés à la domination d’Assad. Dans les premiers jours qui ont suivi les manifestations d’abord pacifiques qui ont balayé la Syrie en 2011, Assad et son régime ont répondu aux appels de leur propre peuple par des balles et des peines d’emprisonnement.
Depuis lors, l’histoire de la Syrie est devenue celle d’une catastrophe humanitaire. Jusqu’à un demi-million de Syriens ont été tués. On compte plus de 5,4 millions de Syriens réfugiés et 6,1 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. . Et à la suite du conflit entre les forces du régime et de l’opposition, des villes entières ont été détruites. Il faudra des années pour reconstruire une nation tout entière.
Les efforts qui ont précédemment été déployés par les États-Unis pour mettre fin au conflit ont été inefficaces. Lorsqu’Assad a utilisé des armes chimiques contre son propre peuple en 2013, au mépris de la menace de représailles de la ligne rouge qu’avaient tracée les États-Unis, l’inaction des États-Unis a encouragé le régime à ne plus tenir compte de la vie de ses civils. En avril de l’année dernière, l’administration Trump a réagi à l’utilisation par Assad de l’agent neurotoxique sarin sur des civils avec des frappes de missiles de croisière qui ont détruit 20 % de la force aérienne d’Assad. Nous avons ainsi agi pour porter atteinte à la capacité de l’armée syrienne de mener d’autres attaques aux armes chimiques, pour protéger des civils innocents et pour dissuader le régime syrien de continuer à favoriser l’usage ou la prolifération des armes chimiques. Les États-Unis prennent au sérieux les menaces liées aux armes chimiques, et nous ne pouvons pas rester passifs et permettre que leur utilisation se régularise. Nous continuerons à rechercher la reddition de comptes et la justice pour les victimes de cette attaque.
En 2012, les forces militaires du régime d’Assad ont commencé à éprouver de sérieuses difficultés contre l’opposition armée. Le régime a rapidement été renforcé grâce à l’aide des forces de combat soutenues par l’Iran. Mais malgré cette aide, en août 2015, les forces rebelles syriennes avaient fait des progrès substantiels contre le régime d’Assad. Craignant pour sa propre survie, Assad a alors fait appel à la Russie, son alliée de longue date, pour obtenir de l’aide. La Russie est intervenue pour sauver le régime, principalement en en augmentant sa puissance aérienne, sa capacité de renseignement et son soutien aux armements.
En décembre 2016, la ville clé d’Alep est tombée entre les mains du régime après une campagne brutale qui a détruit cette ville, laquelle, avant la guerre, comptait une population de plus de deux millions d’habitants. Cela a été le symbole de la détermination impitoyable du régime à reprendre son élan dans le conflit. Cela a aussi conduit… Assad à penser à tort qu’il maintiendrait le pouvoir sans avoir à répondre aux revendications légitimes du régime syrien — du peuple syrien.
La guerre civile en Syrie a été une abomination en soi. Mais la Syrie a été plongée dans un état de bouleversement encore plus grand avec l’émergence du groupe État islamique enIraq et en Syrie, ou Daech. Il s’agissait d’un État terroriste en herbe à l’intérieur des frontières de l’Iraq et de la Syrie. Le conflit entre le régime et divers groupes d’opposition luttant pour arracher le pouvoir des mains d’Assad a créé les conditions nécessaires pour l’expansion rapide de Daech en 2013 et 2014. Daech est sorti des cendres d’al-Qaïda en Iraq, un groupe qu’Assad avait secrètement soutenu. Certains éléments suggèrent qu’Assad a également encouragé Daech en libérant des terroristes connus des prisons syriennes et en fermant les yeux sur la croissance de Daech. Le groupe a exploité l’instabilité et le manque d’autorité centralisée en Syrie pour établir ce qu’il a faussement prétendu être un « califat », avec pour capitale la ville syrienne de Raqqa. À termes, Daech s’est élargi jusqu’à atteindre un pic où il possédait un territoire… une quantité de territoire à peu près équivalente à la taille du Royaume-Uni, et une force de combat significative. Riche des liquidités des banques pillées et du contrôle des champs de pétrole en Syrie et en Iraq, Daech disposait de tous les éléments nécessaires pour subvenir à ses propres besoins et mener des attaques sur le territoire des États-Unis et celui de nos alliés. La création d’un État terroriste radical a attiré des milliers de djihadistes de plus de 100 pays et a incité d’autres terroristes à travers le monde à commettre des attaques là où ils vivent.
Dans le sillage de Daech, des millions de personnes ont fui leur domicile, leur village et leur ville pour échapper au nettoyage ethnique du régime brutal, entraînant des flux massifs de réfugiés vers les pays voisins et jusqu’en Europe et en Scandinavie. À la mi-2014, Daech était doté d’une base d’opérations stable en Syrie et de sources de revenus importantes pour financer, planifier, inspirer et diriger les attaques contre leurs cibles en Occident et contre nos alliés régionaux. Il utilisait la Syrie pour fabriquer des armes chimiques et pouvoir les utiliser contre nos partenaires. Reconnaissant le pouvoir destructeur d’une organisation terroriste qui se renforçait, les États‑Unis se sont concentrés sur une défaite militaire de Daech. En dépit de la menace posée par Daech en Syrie, Assad s’est, lui, plutôt concentré sur la lutte contre l’opposition syrienne, avec d’ailleurs le soutien militaire iranien et russe derrière lui.
La politique de lutte contre le terrorisme de l’administration Trump est assez simple. Il s’agit de protéger les Américains sur notre territoire et à l’étranger contre les attaques terroristes. L’élément central de cette politique consiste à refuser aux terroristes et aux organisations terroristes la possibilité de s’organiser, de lever des fonds, de recruter des combattants, de les former, et de planifier et d’exécuter des attaques.
Quand le président Trump est entré en fonction, il a pris des actions décisives pour accélérer les progrès réalisés en Syrie et en Iraq. Il a demandé au secrétaire à la Défense, le Général Mattis, de soumettre dans un délai de 30 jours un nouveau plan pour vaincre Daech. Le président a rapidement approuvé ce plan. Il a dirigé un rythme d’opérations capables d’aboutir rapidement à des résultats décisifs, déléguant une plus grande autorité aux commandants américains sur le terrain, et a accordé davantage de liberté à nos chefs militaires pour déterminer et appliquer les tactiques qui conduiraient le plus efficacement à la défaite de Daech. Aujourd’hui, presque tous les territoires iraquiens et syriens contrôlés par Daech, soit environ 98 % de ce territoire naguère de la taille du Royaume-Uni, ont été libérés, et Daech a été incapable de regagner un mètre de terrain. Le « califat » physique de Daech à Raqqa est détruit. La capitale libérée du califat ne sert plus d’aimant à ceux qui espèrent construire un empire terroriste. Environ 3,2 millions de Syriens et 4,5 millions d’Iraquiens ont été libérés de la tyrannie de Daech. Plus de 3 millions d’Iraquiens déplacés à l’intérieur du pays sont maintenant de retour chez eux, et Mossoul, la deuxième capitale du califat en Iraq et l’une des plus grandes villes du pays, est complètement libérée de l’emprise de Daech. En Iraq, pour la première fois depuis le début de la crise en décembre 2013, on compte plus d’Iraquiens qui rentrent chez eux que de personnes encore déplacées.
En examinant la Syrie aujourd’hui, nous voyons la situation dans son ensemble, une situation caractérisée principalement par trois facteurs :
Daech est vaincu de manière conséquente, mais pas complète.
Le régime d’Assad contrôle environ la moitié du territoire syrien et de sa population.
Et les menaces stratégiques continues contre les États-Unis persistent, non seulement de la part de Daech et d’al-Qaïda, mais d’autres encore. Et cette menace dont je parle est principalement l’Iran.
Dans le cadre de sa stratégie visant à créer une arche au nord, s’étendant de l’Iran au Liban et à la Méditerranée, l’Iran a considérablement renforcé sa présence en Syrie en déployant des troupes des Gardiens de la révolution iranienne, en soutenant le Hezbollah libanais et en important des forces d’Iraq, d’Afghanistan, du Pakistan et d’ailleurs. Grâce à sa position en Syrie, l’Iran se place de manière à continuer d’attaquer les intérêts américains, nos alliés et le personnel de la région. Le pays dépense des milliards de dollars par an pour soutenir Assad et mener des guerres par procuration au détriment d’un soutien à son propre peuple.
De plus, la situation difficile dans laquelle se trouvent des millions de réfugiés syriens et de personnes déplacées reste une crise humanitaire. Cette situation catastrophique est directement liée à l’absence continue de sécurité et de gouvernance légitime au sein même de la Syrie. Assad a gazé son propre peuple, il a bombardé des villages et des quartiers entiers dans les villes, et a porté atteinte à plusieurs reprises à toute chance de résolution pacifique des différends politiques. Ces abus continuent à ce jour, comme on l’a vu récemment avec ces victimes civiles dans l’est de la gouvernance de Ghouta et d’Idlib [1]. Il n’y a aucun moyen de faciliter efficacement un retour volontaire et à grande échelle des réfugiés sans solution politique.
En bref, la Syrie reste une source de menaces stratégiques graves, et un défi majeur pour notre diplomatie.
Mais les États-Unis continueront de rester engagés de manière à protéger leur propre intérêt de sécurité nationale.
Les États-Unis désirent atteindre cinq objectifs finaux en ce qui concerne la Syrie :
D’abord, que Daech et al-Qaïda en Syrie subissent une défaite durable, qu’ils ne représentent pas de menace pour la patrie et qu’ils ne refassent pas surface sous une forme nouvelle ; que la Syrie ne serve plus jamais de plate-forme ou de refuge aux terroristes pour organiser, recruter, financer, entraîner et mener des attaques contre des ressortissants américains sur notre territoire ou à l’étranger ou contre nos alliés.
Deuxièmement, que le conflit sous-jacent entre le peuple syrien et le régime d’Assad soit résolu par un processus politique dirigé par les Nations unies, comme prescrit par la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, et qu’une Syrie stable, unifiée et indépendante sous un leadership post-Assad puisse fonctionner en tant qu’État.
Troisièmement, que l’influence iranienne en Syrie soit diminuée, que son rêve d’une arche nord lui soit refusé, et que les voisins de la Syrie soient à l’abri de toutes les menaces émanant de Syrie.
Quatrièmement, que des conditions soient créées pour que les réfugiés et les personnes déplacées puissent commencer à rentrer en Syrie en toute sécurité et de manière volontaire.
Et cinquièmement, que la Syrie soit exempte d’armes de destruction massive.
L’administration Trump met en œuvre une nouvelle stratégie pour atteindre ces objectifs finaux. Ce processus implique en grande partie une action diplomatique accrue qui s’inscrit dans la foulée de nos succès militaires continus. Nos efforts diplomatiques seront caractérisés par des initiatives de stabilisation et un accent nouveau mis sur une solution politique au conflit syrien.
Mais soyons clairs : les États-Unis maintiendront une présence militaire en Syrie axée sur la nécessite de s’assurer que Daech ne pourra pas réapparaître. Notre mission militaire en Syrie restera basée sur les conditions sur le terrain. Nous ne pouvons pas commettre les mêmes erreurs qu’en 2011, lorsqu’un départ prématuré de l’Iraq avait permis à al-Qaïda en Iraq de survivre et de se transformer en Daech. C’est ce vide qui a permis à Daech et à d’autres organisations terroristes de faire des ravages dans le pays. Et c’est ce qui a donné à Daech un refuge sûr pour planifier des attaques contre les États-Unis et leurs alliés. Nous ne pouvons pas laisser l’histoire se répéter en Syrie. Daech a actuellement un pied dans la tombe, et en maintenant une présence militaire américaine en Syrie jusqu’à la défaite complète de Daech, il en aura bientôt deux.
Nous comprenons que certains Américains soient sceptiques quant à notre implication continue en Syrie et qu’ils remettent en question les avantages de maintenir une présence dans un pays en si grande difficulté.
Il est toutefois vital que les États-Unis restent engagés en Syrie pour plusieurs raisons : les espaces non gouvernés, en particulier dans les zones de conflit, sont des lieux de reproduction pour Daech et d’autres organisations terroristes. La lutte contre Daech n’est pas terminée. Des bandes de combattants de Daech commencent déjà à mener une insurrection. Nos alliés et nous‑mêmes les traquerons et les tuerons, ou bien nous les capturerons.
De même, nous devons persister en Syrie pour contrecarrer al-Qaïda, qui bénéficie toujours d’une présence substantielle et d’une base d’opérations dans le nord-ouest de la Syrie. Comme dans les années précédant le 11-Septembre, al-Qaïda est déterminé à créer un sanctuaire pour planifier et lancer des attaques contre l’Occident. Bien que Daech soit le groupe terroriste qui ait le plus dominé les gros titres au cours des dernières années, al-Qaïda reste encore une menace sérieuse qui cherche à se reconstituer de manière nouvelle et puissante.
En outre, le retrait total du personnel américain à un tel moment rétablirait Assad au pouvoir et lui permettrait de continuer la brutalité avec laquelle il traite son propre peuple. Un meurtrier de son propre peuple ne peut générer la confiance nécessaire pour une stabilité à long terme. Une Syrie stable, unifiée et indépendante a besoin à terme d’une gouvernance post-Assad si elle veut réussir. La présence continue des États-Unis pour assurer la défaite durable de Daech aidera également les autorités civiles locales légitimes à exercer une gouvernance responsable dans leurs zones libérées. Le départ d’Assad via le processus de Genève mené par l’ONU créera les conditions d’une paix durable en Syrie et de la sécurité le long des frontières pour les voisins de la Syrie.
Le désengagement des États-Unis vis-à-vis de la Syrie permettrait à l’Iran de renforcer sa position en Syrie. Comme nous l’avons vu dans les guerres par procuration et les annonces publiques de l’Iran, celui-ci cherche la domination au Moyen-Orient et la destruction de notre allié, Israël. En tant que nation déstabilisée et frontalière d’Israël, la Syrie présente une opportunité que l’Iran n’est que trop désireux d’exploiter.
Et enfin, en accord avec nos valeurs, les États-Unis ont l’opportunité d’aider un peuple qui a énormément souffert. Nous devons donner aux Syriens une chance de rentrer chez eux et de reconstruire leur vie. Le retour sûr et volontaire des réfugiés syriens sert les intérêts de sécurité des États-Unis, de nos alliés et de nos partenaires. Pour soulager la pression énorme des flux de réfugiés sur la région environnante et sur l’Europe, des conditions doivent être créées pour que ces réfugiés retournent chez eux en toute sécurité et de manière volontaire. Il sera impossible d’assurer la stabilité d’un côté de la Méditerranée, en Europe, si le chaos et l’injustice prévalent à l’autre bout, en Syrie.
Les États-Unis, en collaboration avec leurs alliés et partenaires, prendront les mesures suivantes pour apporter paix et stabilité en Syrie :
Premièrement, les initiatives de stabilisation dans les zones libérées sont essentielles pour s’assurer que la vie puisse reprendre son cours normal et que Daech ne réapparaisse pas. Les initiatives de stabilisation regroupent des mesures essentielles telles que le déminage des mines terrestres non explosées laissées par Daech, la réouverture des hôpitaux, la restauration des services d’eau et d’électricité et le retour des élèves, filles et garçons, à l’école. Cette approche s’est avérée fructueuse en Iraq, où des millions d’Iraquiens sont rentrés chez eux. En Syrie, toutefois, et contrairement à l’Iraq, nous ne disposons pas de partenaire gouvernemental national pour ces efforts de stabilisation, et devons donc travailler avec d’autres partenaires. Les choses étant ce qu’elles sont, ceux-ci font face à d’extrêmes difficultés. Depuis le mois de mai, les États-Unis ont déployé dans les zones touchées en Syrie des diplomates supplémentaires travaillant avec les Nations unies, nos partenaires de la Coalition mondiale de lutte contre Daech et diverses organisations non gouvernementales.
Notre travail pour aider les autorités locales et régionales à fournir des services aux zones libérées renforce la confiance entre les populations locales et les dirigeants locaux qui reviennent. Les terroristes prospèrent dans des conditions qui leur permettent de faire passer leurs messages dépravés et haineux aux personnes vulnérables dans les zones de conflit. Nos efforts de stabilisation aideront ces personnes à se détourner de la perspective du terrorisme et à se tourner vers une intégration dans leur communauté locale.
Mais soyons clairs : « stabilisation » n’est pas synonyme de construction d’une nation sans limite de durée ni synonyme de reconstruction. Mais c’est essentiel. Aucun parti dans le conflit syrien n’est capable seul d’atteindre la victoire ou la stabilisation du pays par des moyens militaires. Notre présence militaire est soutenue par des équipes du département d’État et de l’USAID qui travaillent déjà avec les autorités locales pour aider les peuples libérés à stabiliser leur propre communauté.
En même temps que les efforts de stabilisation, la désescalade du conflit dans sa globalité est également une étape critique pour créer les conditions d’un règlement politique post-Assad. Depuis juillet, les États-Unis travaillent avec la Russie et la Jordanie pour établir une zone de désescalade dans le sud-ouest de la Syrie. Cette zone a permis la conclusion d’un cessez-le-feu et a mis un terme aux bombardements aveugles de populations civiles ; à quelques exceptions près, il a jusqu’à présent tenu bon. L’accord dans le sud-ouest traite également de la sécurité d’Israël en exigeant que les milices soutenues par l’Iran, notamment le Hezbollah, s’éloignent de la frontière israélienne. Nous avons besoin que la Russie continue de travailler avec les États-Unis et la Jordanie pour faire respecter cette zone de désescalade du conflit. Si elle y parvient, la cessation des hostilités entre le régime et l’opposition permettra l’acheminement en toute sécurité de l’aide humanitaire, créera les conditions d’un retour volontaire et sûr des personnes déplacées et des réfugiés et assurera au peuple syrien la sécurité nécessaire pour reconstruire les zones meurtries par le conflit. Nos efforts ont aidé les réfugiés et les personnes déplacées à retourner dans les zones de désescalade du sud-ouest à partir desquelles ils avaient trouvé refuge en Jordanie. En tout, on estime qu’un total de 715 000 Syriens, dont 50 000 Syriens de l’étranger, sont rentrés chez eux en 2017. Ces tendances précoces mais positives peuvent augmenter à travers la poursuite des efforts de désescalade non seulement dans le sud-ouest, mais ailleurs aussi.
En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, nous continuerons à travailler avec nos alliés et partenaires, tels que la Turquie, pour faire face à la menace terroriste à Idlib et pour répondre aux préoccupations de la Turquie concernant les terroristes du Parti des travailleurs du Kurdistan ailleurs. Al-Qaïda tente de rétablir une base d’opérations à Idlib. En collaboration avec nos alliés et partenaires, nous développons activement la meilleure option pour neutraliser cette menace.
Les États-Unis soutiennent vigoureusement les efforts de l’ONU pour parvenir à une solution politique qui s’inscrive dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies. Il s’agit du cadre politique pour la paix et la stabilité dans une Syrie unifiée qui a déjà été approuvé par les membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Plus précisément, nous travaillerons à travers ce que l’on appelle le processus de Genève, en soutenant dans ses efforts le représentant spécial des Nations unies pour la Syrie, M. Staffan de Mistura.
Le régime d’Assad considère clairement la Russie comme le garant de sa sécurité. La Russie a donc un rôle significatif à jouer pour persuader le régime d’Assad de s’engager de manière constructive dans le processus de Genève. Au-delà du vote de la Russie en soutien à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, le président Poutine a réaffirmé l’engagement de la Russie à Genève dans la déclaration conjointe de Da Nang, au Vietnam, qu’il a faite avec le président Trump en novembre dernier. Les États-Unis et la Russie ont travaillé ensemble pour le succès de la zone de désescalade du sud-ouest, et nous avons établi des arrangements de sortie du conflit autour de la vallée de l’Euphrate pour assurer la sécurité de nos forces respectives.
La Russie doit maintenant donner suite à l’engagement pris par nos présidents en novembre dernier de trouver une solution définitive à travers le processus de Genève sous la direction de l’ONU. L’une des manières pour la Russie d’atteindre ce but est d’exercer son influence unique sur le régime syrien, qui a lui-même accepté de participer au processus de Genève. La Russie doit appliquer de nouveaux niveaux de pression sur le régime pour qu’il ne se contente pas de se manifester à Genève, mais qu’il s’engage par ailleurs de manière crédible dans les efforts de l’ONU et mette en œuvre les résultats convenus.
Les États-Unis, l’UE et les partenaires régionaux ne fourniront aucune aide internationale à la reconstruction de zones sous contrôle du régime d’Assad. Nous demandons à toutes les parties prenantes dans l’avenir de la Syrie d’en faire de même. Nous découragerons les relations économiques entre le régime d’Assad et tout autre pays, mais encouragerons l’aide internationale pour reconstruire les zones libérées de l’emprise de Daech par la coalition mondiale et ses partenaires locaux. Une fois qu’Assad aura quitté le pouvoir, les États-Unis encourageront volontiers la normalisation des relations économiques entre la Syrie et les autres pays. Les États-Unis appellent toutes les nations à faire preuve de discipline en faisant pression sur Assad et en reconstruisant la Syrie après une transition politique. Nous espérons que le désir d’un retour à la vie normale et que ces outils de pression aideront le peuple syrien et les individus du régime à contraindre Assad à se retirer.
La résolution 2254 du Conseil de sécurité appelle également à la tenue d’élections libres en Syrie supervisées par l’ONU. Les États-Unis estiment que des élections libres et transparentes, incluant la participation de la diaspora syrienne déplacée (tous ceux qui ont été forcés de fuir le conflit) entraîneront le départ définitif d’Assad et de sa famille du pouvoir. Ce processus prendra du temps, et nous exhortons à la patience, tant dans le départ d’Assad que dans la mise en place de nouveaux dirigeants. Un changement responsable est susceptible de ne pas être aussi immédiat que certains l’espèrent ; il s’agira plutôt d’un processus progressif de réforme constitutionnelle, avec des élections supervisées par l’ONU. Mais ce changement viendra.
Les États-Unis reconnaissent et saluent les grands sacrifices qui ont été faits par les Forces démocratiques syriennes pour libérer les Syriens de Daech, mais leurs victoires sur le champ de bataille ne résolvent pas le problème de la gouvernance locale ni celui de la représentation des populations de l’est et du nord de la Syrie. Des arrangements politiques locaux intérimaires qui donnent la parole à tous les groupes et à toutes les ethnies soutenant la transition politique plus large de la Syrie doivent émerger avec l’aide de la communauté internationale. Tout arrangement provisoire doit être véritablement représentatif et ne doit menacer aucun des États voisins de la Syrie. De même, les voix des Syriens de ces régions doivent être entendues à Genève et dans la discussion plus large sur l’avenir de la Syrie.
Sur ces points, les États-Unis entendent et prennent au sérieux les préoccupations de notre allié de l’OTAN, la Turquie. Nous reconnaissons les contributions humanitaires et les sacrifices militaires que la Turquie a faits dans le cadre de la lutte contre Daech, de son soutien à des millions de réfugiés syriens et de la stabilisation des régions de Syrie qu’elle a aidées à libérer. La coopération étroite de la Turquie nous est nécessaire pour parvenir en Syrie à un nouvel avenir qui assure la sécurité de ses voisins.
Enfin, la réduction et l’éradication de l’influence iranienne malveillante depuis la Syrie dépend d’une Syrie démocratique. Depuis de nombreuses années, la Syrie de Bachar el-Assad est un État client de l’Iran. Un gouvernement central syrien qui n’est pas sous le contrôle d’Assad aura une nouvelle légitimité pour affirmer son autorité sur le pays. La réaffirmation de la souveraineté nationale par un nouveau gouvernement, conjuguée aux efforts de désescalade et aux nouveaux flux d’aide internationale, réduira la violence, établira de meilleures conditions pour la stabilité et accélérera le départ des combattants étrangers.
Nous reconnaissons que la Syrie présente de nombreuses complexités. Nos solutions proposées ne seront pas faciles à réaliser. Mais il est nécessaire de procéder de la sorte pour notre sécurité et celle de nos alliés. Nous ne répéterons pas les erreurs du passé en Iraq et nous ne répéterons pas les erreurs commises en Libye.
Des interventions militaires bien intentionnées, mais indépendantes d’une stabilisation ou de stratégies politiques, donnent lieu à une foule de conséquences involontaires et indésirables. Pour cette raison, nous cherchons à favoriser la désescalade de la guerre civile en Syrie, à œuvrer pour la paix et à encourager toutes les parties à se rendre à la table des négociations. La poursuite des combats entraînera probablement une aggravation de la situation humanitaire, un chaos encore plus vaste et une intervention militaire régionale accrue en Syrie. Notre objectif est de construire une voie politique positive qui honore la volonté du peuple syrien et qui soutienne l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie.
Comme pour presque tous nos défis en matière de politique étrangère, les étapes pour atteindre nos objectifs ne peuvent pas être entreprises de manière isolée. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec nos alliés et partenaires. En subissant de nombreux attentats terroristes au cours des dernières années, nos alliés en Europe ont malheureusement fait l’expérience directe de ce dont sont capables des groupes comme Daech et al-Qaïda. Nous avons besoin de nos alliés et partenaires pour soutenir notre stratégie afin d’atténuer de manière permanente le risque que ces organisations terroristes et d’autres représentent pour la sécurité.
Enfin, le peuple syrien a enduré sept années de chaos et de souffrances inimaginables. Il a besoin d’aide. Une nouvelle ligne de conduite est une alternative préférable à davantage d’années de vœux pieux. Une Syrie stable, unifiée et indépendante servira les intérêts de sécurité nationale des États-Unis, de ses alliés et de nos partenaires. Si cette réalité peut prendre forme, ce sera une victoire pour tous, et cela soutiendra la capacité du peuple syrien à poursuivre ses droits conférés par Dieu à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.
Je vous remercie de votre aimable attention et j’attends avec intérêt notre discussion. (Applaudissements).
MME RICE : Eh bien, merci. Merci beaucoup de cette présentation globale de l’un des problèmes les plus redoutables, je crois, qu’on ait jamais dû affronter dans le système international ; j’aimerais revenir sur quelques points de fond, mais je voudrais d’abord vous poser une question sur votre rôle en tant que secrétaire d’État. C’est un travail plutôt difficile, n’est-ce pas ? (Rires.)
TILLERSON : Oui, c’est… c’est un peu différent. (Rires.)
MME RICE : En effet. (Rires). Alors, quand j’étais secrétaire d’État, je me levais le matin, et il y avait ces choses que je voyais sur mon calendrier, et je me disais : « Oh super, je vais pouvoir m’occuper de ça », et puis il y avait ces autres choses, et là, je me disais : « Je vais juste… peut-être que je vais juste retourner me coucher. » Quelle est la partie de ce travail que vous aimez le plus, et celle que vous trouvez la plus difficile ?
TILLERSON : Eh bien, ce qui me plaît le plus dans mon travail, c’est ce que j’ai toujours apprécié tout au long de ma carrière, à savoir la qualité des personnes avec lesquelles j’ai le privilège de travailler chaque jour. Et voici ce que je dirai au sujet du personnel du département d’État, les fonctionnaires de carrière tout comme les personnes issues de nominations politiques : ce sont des gens extraordinairement dévoués, qui comptent parmi les plus grands patriotes que vous ne connaîtrez jamais et qui viennent au travail tous les jours avec un objectif en tête, à savoir celui de réaliser les buts de la politique étrangère, les objectifs de l’administration, rien que pour servir les intérêts du peuple américain.
Ainsi, ce que j’attends avec intérêt chaque jour, même s’il est question de problèmes complexes, comme celui que je viens de décrire — et la Syrie est l’une des situations les plus complexes sur le terrain –, c’est le niveau d’intelligence et d’ouverture qui nous permet d’avoir une bonne conversation sur le sujet, c’est ce que j’attends avec le plus d’intérêt. Et j’ai une zone d’échauffement ; autrefois, c’était le bureau du secrétaire adjoint en charge de la gestion. Je l’ai accaparé et nous n’avons que des tableaux blancs dedans et j’adore y aller et faire des exercices sur les tableaux blancs.
Le plus laborieux, c’est de venir au travail les jours où des vies ont été perdues. Et qu’il s’agisse du décès d’un des membres du personnel du département d’État ou du décès d’un militaire, ou encore de tout ressortissant américain où que ce soit, ce sont ces jours-là qui sont difficiles, parce que il faut appeler les proches, il faut essayer… des gens ont été pris en otages, il faut essayer de rassurer les familles mais ce sont ces jours-là qui sont vraiment difficiles.
MME RICE : Oui. Eh bien, en tant que secrétaire, nous faisons face à des défis uniques également. Les réseaux sociaux venaient à peine de voir le jour lorsque j’étais secrétaire d’État. Dieu merci. Et nous savons que votre patron adore les réseaux sociaux, alors comment cela se passe-t-il et comment gérer la pression constante des réseaux sociaux, particulièrement celle qui provient de la Maison-Blanche ?
TILLERSON : Eh bien, il est champion du monde des réseaux sociaux, contrairement à moi… (rires)… et je souhaite avouer ici au centre-même de la création de cette grande technologie, que je n’ai pas de comptes de réseaux sociaux. Je n’en ai jamais eu et je n’ai pas l’intention d’en avoir. (Rires.) C’est un outil formidable lorsqu’il est utilisé à bon escient. Le président en fait une utilisation à impact fort en contournant les moyens de communication traditionnels et il s’épanouit pleinement dans sa capacité à communiquer instantanément non seulement avec les Américains mais également avec nos amis et alliés ou nos adversaires, avec le monde entier.
Je ne sais pas quand il le fera parce qu’il… c’est simplement la façon dont le président fonctionne. Le défi consiste donc à faire du rattrapage parce que je ne… je n’ai même pas de compte Twitter pour suivre ses tweets, ainsi, les membres de mon cabinet impriment généralement ses tweets et me les remettent. (Rires.) Eh bien, d’un côté, vous pouvez dire, « Mais c’est fou. Pourquoi n’avez-vous pas de compte ? » Mais d’un autre côté, j’ai en fait conclu que ce n’était pas un mauvais système parce que les tweets sortent et je ne sais pas quand ils vont sortir, il y a donc peu de choses que je peux faire en attendant qu’ils sortent. Au moment où j’apprends ce qui est sorti, il s’est en fait écoulé un certain temps et en fonction de là où je me trouve dans le monde, il peut s’agir de cinq minutes ou d’une heure avant que l’on me remette un morceau de papier disant : « Le président vient de tweeter ceci. » Et là, je vois déjà des réactions initiales et cela me permet d’y réfléchir, très bien, comment est-ce que nous prenons cela… si c’est une question de politique étrangère, est-ce… de quoi parle-t-il dans son tweet, qu’en faisons-nous, comment allons-nous l’utiliser ?
C’est donc intéressant. Beaucoup de gens me disent que cela doit être impossible à gérer. J’ai dû m’y habituer dès le début parce que ça n’était pas du tout habituel pour nous tous. Mais je prends le tweet et je me dis, d’accord, c’est une information. Voyons… nous connaissons nos objectifs et il n’en a modifié aucun. C’est juste sa manière de communiquer sur le sujet. Comment prenons-nous ce tweet et comment l’utilisons-nous ? Et c’est donc ce que… c’est comme cela que je gère la chose, mais je pense que j’irai dans la tombe sans jamais avoir eu de compte de réseaux sociaux. (Rires.)
MME RICE : J’ai été particulièrement frappée par ce que vous avez dit au sujet de la Syrie. Vous avez parlé de la voie à suivre en Syrie, en mettant de côté l’aspect militaire, qui a bien évidemment connu de réels succès, particulièrement en débarrassant l’Irak de Daech et maintenant en devançant, au moins, Daech en Syrie. Mais j’ai été frappée par le fait que lorsque vous êtes passé à la stabilisation politique, vous avez utilisé quelques mots que la plupart des gens n’associeraient pas avec l’administration Trump. Je voudrais que vous nous en parliez davantage. Vous avez parlé des valeurs, des valeurs des États-Unis. Vous avez parlé des droits de l’homme. Vous avez parlé de la nécessité pour les Syriens d’être en mesure de s’exprimer lors d’élections libres.
On peut dire que ces éléments font partie des objectifs ayant trait aux valeurs, pour ainsi dire, parce que si l’on remonte jusqu’à Woodrow Wilson, tous les présidents ont été convaincus que la composition interne des États importe bel et bien. Et je pense que vous avez avancé un très bon argument, l’une des raisons pour lesquelles nous faisons face au problème actuel en Syrie est que Bachar el-Assad est un dictateur qui a assassiné et opprimé son propre peuple.
Alors, sortez de la Syrie et dites-nous comment, , après maintenant près d’un an passé à ce poste, vous voyez la question des valeurs, des droits de l’homme, de la démocratie… en politique étrangère américaine.
TILLERSON : Eh bien, c’est une excellente question et c’est une question que j’ai… en tant qu’ingénieur, je pense que j’ai eu du mal à décrire aux autres la façon dont je la vois. Nos valeurs américaines de liberté, de respect de la personne, de la dignité humaine… toutes les manifestations des valeurs qui définissent notre identité en tant que peuple, notre identité collective en tant que groupe de personnes qui se sont alignées autour de ces valeurs et qui définissent la manière dont nous nous traitons les uns les autres tous les jours… comment intégrer cela au domaine de la politique étrangère.
Et à un certain niveau, il s’agit de valeurs qui perdurent et ce que je dis aux gens, c’est que, vous savez, en politique étrangère, si vous… lorsque vous prenez les valeurs et que vous essayez de les traduire en politique étrangère, ma préoccupation a toujours été que les politiques peuvent changer et être ajustées, et c’est le cas. Alors comment le faire… Si vous le faites, vos valeurs ne changent jamais. Elles ne s’ajustent jamais. Ainsi, nos valeurs sont présentes dans toutes nos interactions, toujours.
Alors comment les opérationnaliser, et je vais utiliser ce mot, comment opérationnaliser ces valeurs ? Parce que je pense qu’il s’agit là du cœur de la question. Et la Syrie en est une excellente étude de cas à mon sens. Le fait d’aller en Syrie et de faire le plaidoyer des droits de l’homme, des libertés religieuses, de la participation égale des femmes au milieu de milliers de personnes et de civils, littéralement, qui meurent chaque jour ne veut pas dire grand-chose parce que le droit de l’homme le plus important pour qui que ce soit est le premier droit : le droit à la vie. La vie, puis la liberté, puis la poursuite du bonheur. Et c’est comme cela que je vois nos valeurs. Je dois d’abord éviter que les gens ne se fassent tuer et si je peux éviter qu’ils se fassent tuer et si je peux créer des zones de stabilité, alors nous commençons à semer les graines de la liberté et puis nous ouvrons la voie de la poursuite du bonheur. Et sous tout cela, ensuite, on trouve l’articulation de notre respect pour la dignité humaine, la condition humaine, tous les moyens dont nous exprimons ces valeurs qui sont singulièrement américaines.
Et c’est donc véritablement ainsi que nous instaurons les conditions propices pour que les gens puissent effectivement faire cela, et la priorité en Syrie à l’heure actuelle est d’éviter que les gens se fassent tuer. Les gens se font tuer. Ils se font tuer par milliers. Il faut arrêter cela, stabiliser la situation, commencer à instaurer certaines conditions et nous pourrons ensuite promouvoir le respect des libertés religieuses, le respect de leur dignité. Et c’est vraiment… dans mon esprit… et je suis ingénieur… c’est la manière dont je vois cela comme un processus. C’est un processus à l’intérieur d’un système et à tout moment et en fonction des conditions du pays, de son emplacement, des circonstances, nous allons nous trouver à un stade différent du processus. Si nous avons un gouvernement stable qui réprime certaines entités religieuses, alors nous nous y attaquons d’emblée. Parce que ce n’est pas une situation où les gens se font tuer, mais où ils sont persécutés, on les prive de la poursuite du bonheur.
Il est donc… très… je pense que dans chaque situation, je vois les choses et je me dis, quelle est la priorité ici ? Et la première priorité consiste toujours à protéger les vies, à faire en sorte que les gens ne se fassent plus tuer. Et si vous procédez ainsi, vous commencez à instaurer les conditions dans lesquelles on peut véritablement aller de l’avant et faire le plaidoyer des valeurs à proprement parler.
MME RICE : Et les outils pour le type de travail dont vous parlez, bien entendu, lorsque vous stabilisez une situation, vous devez toujours user de la diplomatie, vous devez toujours fournir une assistance à la population. Des préoccupations existent au sujet de l’engagement en faveur de, disons, l’aide extérieure et le fait d’avoir ces outils sur lesquels les diplomates américains comptent pour instaurer la stabilité. Cela est connu de tous, Jim Mattis aurait apparemment dit qu’en l’absence d’aide extérieure, il lui faudra davantage de balles, je paraphrase ses propos.
Alors, parmi quelques-uns des efforts d’assistance des États qui sont appréciés de manière universelle, on compte : le PEPFAR, le Plan d’urgence du président pour la lutte contre le sida, qui a probablement, grâce aux efforts du président Bush, puis du président Obama, sauvé des millions de personnes d’une pandémie, et la Millennium Challenge [Corporation], qui cherche à donner des fonds de l’aide extérieure aux États qui vont véritablement l’utiliser à bon escient, qui ne sont pas corrompus. Pouvez-vous nous parler un peu de l’avenir de ces programmes ? Et je sais que vous en êtes le défenseur. Comment se passent les choses en interne au niveau de l’administration et au Congrès ?
TILLERSON : Eh bien, vous avez choisi les deux programmes les plus faciles à défendre, parce que le PEPFAR est vu de manière générale, même au sein de l’administration, comme la référence absolue de la réussite. Il a produit des résultats extraordinaires et il a démontré qu’il utilise les deniers américains de manière très avisée. Pour tout dollar investi, si l’on y réfléchit, c’est un investissement, c’est un dollar investi pour un rendement… le PEPFAR, quel que soit l’angle sous lequel on l’examine, a été un succès retentissant.
Et la Millennium Challenge Corporation, de la même manière, a été un grand succès du fait de son processus discipliné. Je pense que le débat en cours ne porte pas sur ces types de programmes, mais sur une grande partie des programmes d’assistance dont la structure est susceptible d’être différente de celle du PEPFAR ou de la structure de responsabilisation de la Millennium Challenge [Corporation], ainsi que sur la perception selon laquelle l’Amérique est, a été et reste encore aujourd’hui le pays le plus généreux au monde pour ce qui est de l’assistance humanitaire, d’aide en cas de catastrophes. Nous sommes toujours les premiers. .
Mais si vous regardez la situation financière du pays, et nous sommes bien conscients des déficits que nous accumulons au jour le jour, je pense que le président a posé la question à juste titre, eh bien, nous savons ce que nous faisons, qu’en est-il du reste du monde ? Et vous acquittez-vous de votre part ? Et c’est donc devenu une véritable superposition de la manière dont l’administration voit tous les modes d’assistance étrangère, du type d’assistance fournie par le biais de l’USAID et du département d’État aux ventes et à l’assistance militaire à l’étranger, en passant par les instances de l’ONU et les autres organisations internationales. Nous jouerons notre rôle mais nous exigeons que les autres en fassent autant. Il a ainsi créé des attentes importantes selon lesquelles nous allons en faire moins et demander aux autres de monter au créneau et de commencer à contribuer davantage de manière proportionnelle à leurs capacités. Il montre du doigt, c’est bien connu, bon nombre de pays qui s’en tirent de façon extraordinaire. Dans de nombreux cas, leur économie se porte mieux que la nôtre, mais ils ne s’acquittent pas ce que nous considérons comme leur part face aux besoins du monde.
Ainsi, une grande partie de l’année passée et même du début de cette année a été consacrée à un engagement actif avec les pays sur cette question. Cela étant dit, nous n’abandonnons en rien notre reconnaissance de ces besoins. Et comme vous le savez et tout au long du processus budgétaire, le processus budgétaire implique deux des pouvoirs de l’État, deux pouvoirs égaux. Le Congrès a son mot à dire, et l’administration également. Ainsi, nous résolvons, en fin compte et en grande partie, tout cela par le processus de négociations budgétaires.
La dernière chose que je dirais au sujet du budget du département d’État en particulier, parce qu’il a fait l’objet de beaucoup de… de beaucoup de discussions, est que j’aime donner une perspective aux gens. Le dernier budget du département d’État avait atteint le niveau record de 55 milliards, le budget le plus important de l’histoire du département d’État, et les records se succèdent année après année depuis cinq ou six ans. Et ce que je dis aux gens, et comme j’ai géré une société avec de gros chiffres au jour le jour également, c’est très difficile à exécuter… il est très difficile pour le département d’exécuter un budget de 55 milliards de dollars. Je veux dire, franchement, que si vous voulez bien faire les choses et que vous voulez bien gérer les deniers durement gagnés que les contribuables américains vous ont donnés, vous devez être en mesure de bien exécuter le budget. Et le fait est que l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas eu de difficultés en 2017 est que nous avions beaucoup de fonds reportés de l’exercice précédent parce que personne ne pouvait exécuter un budget de cette ampleur. Il y a donc beaucoup d’argent qui circule.
Maintenant, je dirais que nous sommes dans une situation en évolution où nous ne sommes pas… nous ne sommes pas dans une position d’incapacité à satisfaire, nous le pensons, aux besoins les plus essentiels. Mais l’heure arrive, et nous essayons de planifier à l’avance et nous essayons de demander au reste du monde de partager davantage le fardeau.
MME RICE : Merci. Une dernière question avant que l’on vous libère. Je me dois de vous poser une question sur le début de vos remarques : la Corée du Nord. Il y a eu une fausse alerte à Hawaï. Il y a des gens qui parlent de l’arrivée de la guerre sur la péninsule. En même temps, les Nord-Coréens et les Sud-Coréens décident de faire équipe ensemble aux Jeux olympiques.
Avez-vous l’impression que le discours que nous avons tenu, le fait que peut-être la diplomatie n’est pas au premier plan contrairement à la possibilité de nos options militaires, que nous sommes peut-être en train de semer la discorde avec nos alliés sud-coréens ? Je sais que lorsque j’étais secrétaire d’État et que j’essayais de gérer les Pourparlers à six, les Nord-Coréens adoraient semer la zizanie pour mettre les Chinois à l’écart, ou les Sud-Coréens, ou les Russes, et il était très important que les États-Unis ne se retrouvent pas isolés.
Alors comment devons-nous percevoir ces initiatives entre le Nord et le Sud ? Et parlez-nous de la diplomatie, parce que je pense que nous sommes tous d’accord, personne ne veut la guerre sur la péninsule, sur la péninsule coréenne, malgré la gravité de la menace nord-coréenne.
TILLERSON : Eh bien, nos efforts diplomatiques, qui ont démarré en février dernier, la première semaine où j’étais… après mon investiture, j’étais avec le président dans le Bureau ovale et il m’a confié mon premier défi de politique étrangère en me demandant de concevoir une approche de politique étrangère pour la Corée du Nord. Et nous l’avons donc fait et nous sommes passés par le processus interagences.
Et ce que nous… j’ai appelé cela une campagne de pression pacifique, le président l’a depuis rebaptisée la campagne de pression maximale. Mais c’est… et je sais que les gens disent : « Ah, nous avons essayé les sanctions par le passé. Elles n’ont jamais fonctionné. » Nous n’avons jamais eu de régime de sanctions aussi complet que celui-ci et nous n’avons jamais joui du soutien de la Chine pour des sanctions comme c’est maintenant le cas. La Russie est une question quelque peu différente. Mais les Chinois ont beaucoup fait pression sur les Nord-Coréens à tel point que… une partie de cette approche consistait à aider les Chinois à se rendre compte que la Corée du Nord a peut-être été pour eux un atout depuis 50 ou 60 ans, mais qu’elle représente un handicap. Et je veux dire que c’est dû à la manière dont les événements se sont déroulés sur la péninsule coréenne. Si la Chine ne nous aide pas à résoudre ce problème, les effets de répercussion seront nombreux et la Chine en est consciente.
Je pense donc que les efforts diplomatiques consistent à unifier la communauté internationale autour de la campagne de sanctions, qui est extraordinairement efficace. Comme le président Moon lui-même nous l’a dit au téléphone, et je vous dirais, nous avons probablement… le niveau de communication entre nous, la Corée du Sud et la Chine sur cette question est assez extraordinaire. Les gens seraient probablement surpris de la fréquence à laquelle nous nous appelons au téléphone les uns les autres pour parler de cela. M. Moon a expliqué que les Sud-Coréens [Nord-Coréens] sont venus vers nous parce qu’ils ressentaient l’effet de ces sanctions. Et nous le voyons dans une partie du renseignement, nous le voyons dans des preuves anecdotiques provenant de personnes qui s’échappent et font défection.
Les Japonais ont indiqué hier lors de notre réunion qu’ils ont vu plus de 100 bateaux de pêches nord-coréens à la dérive dans les eaux japonaises, deux tiers des personnes à bord sont mortes ; elles n’essayaient pas de s’enfuir, et celles qui étaient encore en vie voulaient rentrer chez elles. Alors ils les ont renvoyées en Corée du Nord. Mais ce qu’ils ont appris, c’est que ces personnes sont envoyées à la pêche en plein hiver parce qu’il y a des pénuries de nourriture,et elles sont envoyées à la pêche avec trop peu de carburant pour pouvoir rentrer au port.
Nous recueillons un grand nombre de preuves qui indiquent que ces sanctions commencent vraiment à faire mal. Ainsi, le rapprochement du Nord et du Sud, ils sont désormais en train d’exécuter la stratégie que vous connaissez parfaitement. Et la stratégie, c’est, eh bien, nous commençons par l’offensive de charme envers le reste du monde et nous leur montrons que nous ne sommes que des gens normaux comme tout le monde/ Nous allons attirer leur compassion. Nous allons essayer de diviser la Corée du Sud et ses alliés. Et nous avons passé un temps fou lors de nos discussions de groupe à écouter la ministre des Affaires étrangères Kang de Corée du Sud parler de la manière dont son pays ne laissera pas cela se produire.
Nous comprenons donc de quoi il s’agit et nous soutenons ce rapprochement parce que l’autre élément de la diplomatie est que nous devons attendre que Kim décide de parler. Nous avons été très clairs et nous canaux sont ouverts. Et comme je l’ai dit hier lors de mon point de presse, il sait comment me joindre s’il veut qu’on parle. Mais il doit me dire qu’il veut qu’on parle. Nous n’allons pas lui courir après.
Il s’agit donc peut-être de son effort initial pour briser la glace, nous verrons. Il se peut que rien n’en ressorte mais… nous faisons preuve de soutien mais je vous dirais que chez les alliés de la région, mais également en Chine, je pense que l’on n’a jamais vu une telle unité face à cette menace. Parce que la Chine connaît les conséquences potentielles de cela, les conséquences imprévues qui pourraient survenir plus tard. Et en diplomatie, où il faut travailler avec quelqu’un comme cela en face et quand on arrive à la table des négociations… et j’ai bon espoir que nous le ferons… j’ai besoin de savoir que M. Mattis, le secrétaire [à la Défense], dispose d’une option militaire très, très forte qui assure mes arrières. Cela me permet d’être mieux positionné pour essayer de résoudre la situation.
Comme M. Mattis et moi l’avons dit à nos homologues chinois lorsque nous étions autour de la table face à face à l’occasion d’un dialogue sécuritaire et stratégique, j’ai dit à mon homologue, Yang Jiechi… j’ai dit : « Monsieur le conseiller des Affaires de l’État, si vous et moi ne résolvons par ceci, ces gars-là vont passer à l’attaque et nous ne voulons pas que cela arrive. Et vous non plus. »
Nous sommes donc très motivés. C’est un processus de longue haleine. Il faut faire preuve de patience. Nous verrons. Mais nous sommes déterminés, tout comme le reste de la communauté internationale, à voir une Corée du Nord dénucléarisée. Et nous le resterons tant que nous ne serons pas arrivés à nos fins.
MME RICE : Merci beaucoup et bonne continuation. Nous vous souhaitons de réussir. Merci beaucoup. (Applaudissements).
Stanford à l’occasion de mon passage sur la côte ouest et surtout de pouvoir m’adresser à ce groupe. Et je tiens à remercier Stanford et la Hoover Institution, ainsi que le groupe d’études internationales, de m’avoir permis de m’adresser à vous ce matin. Je connais bien la Hoover Institution : j’y ai pris la parole au cours de certains de ses événements dans le passé avant d’être au poste que j’occupe actuellement, et c’est un lieu qui a toujours produit de solides travaux fondés sur des principes qui démontrent la pertinence d’un gouvernement représentatif, de l’entreprise privée et de la protection du mode de vie américain au centre de vos activités, des sujets très importants auxquels nous consacrons notre temps.
Et à cet égard, vous comptez certainement dans vos rangs un véritable défenseur : mon amie, Madame Condoleezza Rice, qui… j’ignore si elle assume la responsabilité de ma présence ici suite à son invitation, mais je… (rires)… Je la tiens en partie responsable de toute manière. Et… mais j’apprécie les conseils et les recommandations de Condi. Quand je suis arrivé dans le bureau du secrétaire d’État, j’ai cherché le mode d’emploi ; et il n’y en avait pas. Elle a donc été une grande source d’aide et d’inspiration pour moi.
Je tiens également à remercier l’autre personne qui m’a invité aujourd’hui, certainement l’un des fonctionnaires les plus dévoués et les plus doués de notre pays au XXe siècle : l’ancien secrétaire d’État George Shultz. George et moi nous connaissons depuis longtemps, et je suis aussi un grand admirateur de son travail.
Je reviens tout juste d’une rencontre ministérielle à Vancouver, au cours de laquelle un certain nombre de pays ont discuté de la meilleure manière de mettre en œuvre notre campagne de pression maximale contre la Corée du Nord. Les États-Unis et nos alliés sont unis, et ils le resteront, dans leur poursuite de cette campagne, tant que la Corée du Nord n’aura pas pris de mesures significatives en vue de sa dénucléarisation. Nous sommes tous d’accord, chacun d’entre nous, sur le fait que nous n’accepterons pas que la Corée du Nord soit dotée de l’arme nucléaire.
De Vancouver, je me suis rapidement rendu en Californie. Et je suis reconnaissant de l’aide que Madame Rice m’a apportée en arrangeant tout cela en si peu de temps. Certaines personnes à Washington me soupçonnent de vouloir échapper au mauvais temps aujourd’hui en venant ici, mais bon, je suis ravi d’être ici.
Le sujet de mon allocution aujourd’hui est la présentation de la voie à suivre pour les États-Unis en Syrie.
Je commencerai par vous donner une sorte de large contexte historique et politique des situations très difficiles auxquelles le peuple syrien est confronté, et qui soulèvent également des inquiétudes pour l’ensemble des puissances internationales.
Je décrirai ensuite la raison pour laquelle il est crucial pour notre défense nationale de maintenir une présence militaire et diplomatique en Syrie, afin d’aider à mettre fin à ce conflit et d’aider le peuple syrien à tracer une voie pour réaliser un nouvel avenir politique.
Et enfin, je détaillerai les mesures prises par cette administration pour parvenir à une Syrie stable, unifiée et indépendante, exempte de menaces terroristes et exempte d’armes de destruction massive.
Ensuite, comme cela a été indiqué, Madame Rice et moi-même aurons une petite conversation.
Depuis près de 50 ans, le peuple syrien souffre, d’abord sous la dictature de Hafez el-Assad et ensuite de son fils Bachar el-Assad. La nature du régime Assad, tout comme celle de son État commanditaire, l’Iran, est pernicieuse. Le régime a favorisé la terreur d’État. Il a renforcé les groupes qui sont responsables de la mort de soldats américains, comme al-Qaïda. Il a soutenu le Hezbollah et le Hamas. Et il a violemment réprimé l’opposition politique. La grande stratégie de Bachar el‑Assad, en admettons qu’il en ait une au-delà de sa propre survie, consiste à héberger certains des éléments terroristes les plus radicaux de la région et à les utiliser pour déstabiliser ses voisins. Le régime d’Assad est corrompu et ses méthodes de gouvernance et de développement économique ont contribué de plus en plus à l’exclusion de certains groupes ethniques et religieux. Son bilan en matière de droits de la personne est notoire dans le monde entier.
Une telle oppression ne peut durer éternellement. Et au fil des années, la colère latente s’est accumulée dans le pays : de nombreux Syriens se sont soulevés et se sont opposés à la domination d’Assad. Dans les premiers jours qui ont suivi les manifestations d’abord pacifiques qui ont balayé la Syrie en 2011, Assad et son régime ont répondu aux appels de leur propre peuple par des balles et des peines d’emprisonnement.
Depuis lors, l’histoire de la Syrie est devenue celle d’une catastrophe humanitaire. Jusqu’à un demi-million de Syriens ont été tués. On compte plus de 5,4 millions de Syriens réfugiés et 6,1 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. . Et à la suite du conflit entre les forces du régime et de l’opposition, des villes entières ont été détruites. Il faudra des années pour reconstruire une nation tout entière.
Les efforts qui ont précédemment été déployés par les États-Unis pour mettre fin au conflit ont été inefficaces. Lorsqu’Assad a utilisé des armes chimiques contre son propre peuple en 2013, au mépris de la menace de représailles de la ligne rouge qu’avaient tracée les États-Unis, l’inaction des États-Unis a encouragé le régime à ne plus tenir compte de la vie de ses civils. En avril de l’année dernière, l’administration Trump a réagi à l’utilisation par Assad de l’agent neurotoxique sarin sur des civils avec des frappes de missiles de croisière qui ont détruit 20 % de la force aérienne d’Assad. Nous avons ainsi agi pour porter atteinte à la capacité de l’armée syrienne de mener d’autres attaques aux armes chimiques, pour protéger des civils innocents et pour dissuader le régime syrien de continuer à favoriser l’usage ou la prolifération des armes chimiques. Les États-Unis prennent au sérieux les menaces liées aux armes chimiques, et nous ne pouvons pas rester passifs et permettre que leur utilisation se régularise. Nous continuerons à rechercher la reddition de comptes et la justice pour les victimes de cette attaque.
En 2012, les forces militaires du régime d’Assad ont commencé à éprouver de sérieuses difficultés contre l’opposition armée. Le régime a rapidement été renforcé grâce à l’aide des forces de combat soutenues par l’Iran. Mais malgré cette aide, en août 2015, les forces rebelles syriennes avaient fait des progrès substantiels contre le régime d’Assad. Craignant pour sa propre survie, Assad a alors fait appel à la Russie, son alliée de longue date, pour obtenir de l’aide. La Russie est intervenue pour sauver le régime, principalement en en augmentant sa puissance aérienne, sa capacité de renseignement et son soutien aux armements.
En décembre 2016, la ville clé d’Alep est tombée entre les mains du régime après une campagne brutale qui a détruit cette ville, laquelle, avant la guerre, comptait une population de plus de deux millions d’habitants. Cela a été le symbole de la détermination impitoyable du régime à reprendre son élan dans le conflit. Cela a aussi conduit… Assad à penser à tort qu’il maintiendrait le pouvoir sans avoir à répondre aux revendications légitimes du régime syrien — du peuple syrien.
La guerre civile en Syrie a été une abomination en soi. Mais la Syrie a été plongée dans un état de bouleversement encore plus grand avec l’émergence du groupe État islamique enIraq et en Syrie, ou Daech. Il s’agissait d’un État terroriste en herbe à l’intérieur des frontières de l’Iraq et de la Syrie. Le conflit entre le régime et divers groupes d’opposition luttant pour arracher le pouvoir des mains d’Assad a créé les conditions nécessaires pour l’expansion rapide de Daech en 2013 et 2014. Daech est sorti des cendres d’al-Qaïda en Iraq, un groupe qu’Assad avait secrètement soutenu. Certains éléments suggèrent qu’Assad a également encouragé Daech en libérant des terroristes connus des prisons syriennes et en fermant les yeux sur la croissance de Daech. Le groupe a exploité l’instabilité et le manque d’autorité centralisée en Syrie pour établir ce qu’il a faussement prétendu être un « califat », avec pour capitale la ville syrienne de Raqqa. À termes, Daech s’est élargi jusqu’à atteindre un pic où il possédait un territoire… une quantité de territoire à peu près équivalente à la taille du Royaume-Uni, et une force de combat significative. Riche des liquidités des banques pillées et du contrôle des champs de pétrole en Syrie et en Iraq, Daech disposait de tous les éléments nécessaires pour subvenir à ses propres besoins et mener des attaques sur le territoire des États-Unis et celui de nos alliés. La création d’un État terroriste radical a attiré des milliers de djihadistes de plus de 100 pays et a incité d’autres terroristes à travers le monde à commettre des attaques là où ils vivent.
Dans le sillage de Daech, des millions de personnes ont fui leur domicile, leur village et leur ville pour échapper au nettoyage ethnique du régime brutal, entraînant des flux massifs de réfugiés vers les pays voisins et jusqu’en Europe et en Scandinavie. À la mi-2014, Daech était doté d’une base d’opérations stable en Syrie et de sources de revenus importantes pour financer, planifier, inspirer et diriger les attaques contre leurs cibles en Occident et contre nos alliés régionaux. Il utilisait la Syrie pour fabriquer des armes chimiques et pouvoir les utiliser contre nos partenaires. Reconnaissant le pouvoir destructeur d’une organisation terroriste qui se renforçait, les États‑Unis se sont concentrés sur une défaite militaire de Daech. En dépit de la menace posée par Daech en Syrie, Assad s’est, lui, plutôt concentré sur la lutte contre l’opposition syrienne, avec d’ailleurs le soutien militaire iranien et russe derrière lui.
La politique de lutte contre le terrorisme de l’administration Trump est assez simple. Il s’agit de protéger les Américains sur notre territoire et à l’étranger contre les attaques terroristes. L’élément central de cette politique consiste à refuser aux terroristes et aux organisations terroristes la possibilité de s’organiser, de lever des fonds, de recruter des combattants, de les former, et de planifier et d’exécuter des attaques.
Quand le président Trump est entré en fonction, il a pris des actions décisives pour accélérer les progrès réalisés en Syrie et en Iraq. Il a demandé au secrétaire à la Défense, le Général Mattis, de soumettre dans un délai de 30 jours un nouveau plan pour vaincre Daech. Le président a rapidement approuvé ce plan. Il a dirigé un rythme d’opérations capables d’aboutir rapidement à des résultats décisifs, déléguant une plus grande autorité aux commandants américains sur le terrain, et a accordé davantage de liberté à nos chefs militaires pour déterminer et appliquer les tactiques qui conduiraient le plus efficacement à la défaite de Daech. Aujourd’hui, presque tous les territoires iraquiens et syriens contrôlés par Daech, soit environ 98 % de ce territoire naguère de la taille du Royaume-Uni, ont été libérés, et Daech a été incapable de regagner un mètre de terrain. Le « califat » physique de Daech à Raqqa est détruit. La capitale libérée du califat ne sert plus d’aimant à ceux qui espèrent construire un empire terroriste. Environ 3,2 millions de Syriens et 4,5 millions d’Iraquiens ont été libérés de la tyrannie de Daech. Plus de 3 millions d’Iraquiens déplacés à l’intérieur du pays sont maintenant de retour chez eux, et Mossoul, la deuxième capitale du califat en Iraq et l’une des plus grandes villes du pays, est complètement libérée de l’emprise de Daech. En Iraq, pour la première fois depuis le début de la crise en décembre 2013, on compte plus d’Iraquiens qui rentrent chez eux que de personnes encore déplacées.
En examinant la Syrie aujourd’hui, nous voyons la situation dans son ensemble, une situation caractérisée principalement par trois facteurs :
Daech est vaincu de manière conséquente, mais pas complète.
Le régime d’Assad contrôle environ la moitié du territoire syrien et de sa population.
Et les menaces stratégiques continues contre les États-Unis persistent, non seulement de la part de Daech et d’al-Qaïda, mais d’autres encore. Et cette menace dont je parle est principalement l’Iran.
Dans le cadre de sa stratégie visant à créer une arche au nord, s’étendant de l’Iran au Liban et à la Méditerranée, l’Iran a considérablement renforcé sa présence en Syrie en déployant des troupes des Gardiens de la révolution iranienne, en soutenant le Hezbollah libanais et en important des forces d’Iraq, d’Afghanistan, du Pakistan et d’ailleurs. Grâce à sa position en Syrie, l’Iran se place de manière à continuer d’attaquer les intérêts américains, nos alliés et le personnel de la région. Le pays dépense des milliards de dollars par an pour soutenir Assad et mener des guerres par procuration au détriment d’un soutien à son propre peuple.
De plus, la situation difficile dans laquelle se trouvent des millions de réfugiés syriens et de personnes déplacées reste une crise humanitaire. Cette situation catastrophique est directement liée à l’absence continue de sécurité et de gouvernance légitime au sein même de la Syrie. Assad a gazé son propre peuple, il a bombardé des villages et des quartiers entiers dans les villes, et a porté atteinte à plusieurs reprises à toute chance de résolution pacifique des différends politiques. Ces abus continuent à ce jour, comme on l’a vu récemment avec ces victimes civiles dans l’est de la gouvernance de Ghouta et d’Idlib [1]. Il n’y a aucun moyen de faciliter efficacement un retour volontaire et à grande échelle des réfugiés sans solution politique.
En bref, la Syrie reste une source de menaces stratégiques graves, et un défi majeur pour notre diplomatie.
Mais les États-Unis continueront de rester engagés de manière à protéger leur propre intérêt de sécurité nationale.
Les États-Unis désirent atteindre cinq objectifs finaux en ce qui concerne la Syrie :
D’abord, que Daech et al-Qaïda en Syrie subissent une défaite durable, qu’ils ne représentent pas de menace pour la patrie et qu’ils ne refassent pas surface sous une forme nouvelle ; que la Syrie ne serve plus jamais de plate-forme ou de refuge aux terroristes pour organiser, recruter, financer, entraîner et mener des attaques contre des ressortissants américains sur notre territoire ou à l’étranger ou contre nos alliés.
Deuxièmement, que le conflit sous-jacent entre le peuple syrien et le régime d’Assad soit résolu par un processus politique dirigé par les Nations unies, comme prescrit par la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, et qu’une Syrie stable, unifiée et indépendante sous un leadership post-Assad puisse fonctionner en tant qu’État.
Troisièmement, que l’influence iranienne en Syrie soit diminuée, que son rêve d’une arche nord lui soit refusé, et que les voisins de la Syrie soient à l’abri de toutes les menaces émanant de Syrie.
Quatrièmement, que des conditions soient créées pour que les réfugiés et les personnes déplacées puissent commencer à rentrer en Syrie en toute sécurité et de manière volontaire.
Et cinquièmement, que la Syrie soit exempte d’armes de destruction massive.
L’administration Trump met en œuvre une nouvelle stratégie pour atteindre ces objectifs finaux. Ce processus implique en grande partie une action diplomatique accrue qui s’inscrit dans la foulée de nos succès militaires continus. Nos efforts diplomatiques seront caractérisés par des initiatives de stabilisation et un accent nouveau mis sur une solution politique au conflit syrien.
Mais soyons clairs : les États-Unis maintiendront une présence militaire en Syrie axée sur la nécessite de s’assurer que Daech ne pourra pas réapparaître. Notre mission militaire en Syrie restera basée sur les conditions sur le terrain. Nous ne pouvons pas commettre les mêmes erreurs qu’en 2011, lorsqu’un départ prématuré de l’Iraq avait permis à al-Qaïda en Iraq de survivre et de se transformer en Daech. C’est ce vide qui a permis à Daech et à d’autres organisations terroristes de faire des ravages dans le pays. Et c’est ce qui a donné à Daech un refuge sûr pour planifier des attaques contre les États-Unis et leurs alliés. Nous ne pouvons pas laisser l’histoire se répéter en Syrie. Daech a actuellement un pied dans la tombe, et en maintenant une présence militaire américaine en Syrie jusqu’à la défaite complète de Daech, il en aura bientôt deux.
Nous comprenons que certains Américains soient sceptiques quant à notre implication continue en Syrie et qu’ils remettent en question les avantages de maintenir une présence dans un pays en si grande difficulté.
Il est toutefois vital que les États-Unis restent engagés en Syrie pour plusieurs raisons : les espaces non gouvernés, en particulier dans les zones de conflit, sont des lieux de reproduction pour Daech et d’autres organisations terroristes. La lutte contre Daech n’est pas terminée. Des bandes de combattants de Daech commencent déjà à mener une insurrection. Nos alliés et nous‑mêmes les traquerons et les tuerons, ou bien nous les capturerons.
De même, nous devons persister en Syrie pour contrecarrer al-Qaïda, qui bénéficie toujours d’une présence substantielle et d’une base d’opérations dans le nord-ouest de la Syrie. Comme dans les années précédant le 11-Septembre, al-Qaïda est déterminé à créer un sanctuaire pour planifier et lancer des attaques contre l’Occident. Bien que Daech soit le groupe terroriste qui ait le plus dominé les gros titres au cours des dernières années, al-Qaïda reste encore une menace sérieuse qui cherche à se reconstituer de manière nouvelle et puissante.
En outre, le retrait total du personnel américain à un tel moment rétablirait Assad au pouvoir et lui permettrait de continuer la brutalité avec laquelle il traite son propre peuple. Un meurtrier de son propre peuple ne peut générer la confiance nécessaire pour une stabilité à long terme. Une Syrie stable, unifiée et indépendante a besoin à terme d’une gouvernance post-Assad si elle veut réussir. La présence continue des États-Unis pour assurer la défaite durable de Daech aidera également les autorités civiles locales légitimes à exercer une gouvernance responsable dans leurs zones libérées. Le départ d’Assad via le processus de Genève mené par l’ONU créera les conditions d’une paix durable en Syrie et de la sécurité le long des frontières pour les voisins de la Syrie.
Le désengagement des États-Unis vis-à-vis de la Syrie permettrait à l’Iran de renforcer sa position en Syrie. Comme nous l’avons vu dans les guerres par procuration et les annonces publiques de l’Iran, celui-ci cherche la domination au Moyen-Orient et la destruction de notre allié, Israël. En tant que nation déstabilisée et frontalière d’Israël, la Syrie présente une opportunité que l’Iran n’est que trop désireux d’exploiter.
Et enfin, en accord avec nos valeurs, les États-Unis ont l’opportunité d’aider un peuple qui a énormément souffert. Nous devons donner aux Syriens une chance de rentrer chez eux et de reconstruire leur vie. Le retour sûr et volontaire des réfugiés syriens sert les intérêts de sécurité des États-Unis, de nos alliés et de nos partenaires. Pour soulager la pression énorme des flux de réfugiés sur la région environnante et sur l’Europe, des conditions doivent être créées pour que ces réfugiés retournent chez eux en toute sécurité et de manière volontaire. Il sera impossible d’assurer la stabilité d’un côté de la Méditerranée, en Europe, si le chaos et l’injustice prévalent à l’autre bout, en Syrie.
Les États-Unis, en collaboration avec leurs alliés et partenaires, prendront les mesures suivantes pour apporter paix et stabilité en Syrie :
Premièrement, les initiatives de stabilisation dans les zones libérées sont essentielles pour s’assurer que la vie puisse reprendre son cours normal et que Daech ne réapparaisse pas. Les initiatives de stabilisation regroupent des mesures essentielles telles que le déminage des mines terrestres non explosées laissées par Daech, la réouverture des hôpitaux, la restauration des services d’eau et d’électricité et le retour des élèves, filles et garçons, à l’école. Cette approche s’est avérée fructueuse en Iraq, où des millions d’Iraquiens sont rentrés chez eux. En Syrie, toutefois, et contrairement à l’Iraq, nous ne disposons pas de partenaire gouvernemental national pour ces efforts de stabilisation, et devons donc travailler avec d’autres partenaires. Les choses étant ce qu’elles sont, ceux-ci font face à d’extrêmes difficultés. Depuis le mois de mai, les États-Unis ont déployé dans les zones touchées en Syrie des diplomates supplémentaires travaillant avec les Nations unies, nos partenaires de la Coalition mondiale de lutte contre Daech et diverses organisations non gouvernementales.
Notre travail pour aider les autorités locales et régionales à fournir des services aux zones libérées renforce la confiance entre les populations locales et les dirigeants locaux qui reviennent. Les terroristes prospèrent dans des conditions qui leur permettent de faire passer leurs messages dépravés et haineux aux personnes vulnérables dans les zones de conflit. Nos efforts de stabilisation aideront ces personnes à se détourner de la perspective du terrorisme et à se tourner vers une intégration dans leur communauté locale.
Mais soyons clairs : « stabilisation » n’est pas synonyme de construction d’une nation sans limite de durée ni synonyme de reconstruction. Mais c’est essentiel. Aucun parti dans le conflit syrien n’est capable seul d’atteindre la victoire ou la stabilisation du pays par des moyens militaires. Notre présence militaire est soutenue par des équipes du département d’État et de l’USAID qui travaillent déjà avec les autorités locales pour aider les peuples libérés à stabiliser leur propre communauté.
En même temps que les efforts de stabilisation, la désescalade du conflit dans sa globalité est également une étape critique pour créer les conditions d’un règlement politique post-Assad. Depuis juillet, les États-Unis travaillent avec la Russie et la Jordanie pour établir une zone de désescalade dans le sud-ouest de la Syrie. Cette zone a permis la conclusion d’un cessez-le-feu et a mis un terme aux bombardements aveugles de populations civiles ; à quelques exceptions près, il a jusqu’à présent tenu bon. L’accord dans le sud-ouest traite également de la sécurité d’Israël en exigeant que les milices soutenues par l’Iran, notamment le Hezbollah, s’éloignent de la frontière israélienne. Nous avons besoin que la Russie continue de travailler avec les États-Unis et la Jordanie pour faire respecter cette zone de désescalade du conflit. Si elle y parvient, la cessation des hostilités entre le régime et l’opposition permettra l’acheminement en toute sécurité de l’aide humanitaire, créera les conditions d’un retour volontaire et sûr des personnes déplacées et des réfugiés et assurera au peuple syrien la sécurité nécessaire pour reconstruire les zones meurtries par le conflit. Nos efforts ont aidé les réfugiés et les personnes déplacées à retourner dans les zones de désescalade du sud-ouest à partir desquelles ils avaient trouvé refuge en Jordanie. En tout, on estime qu’un total de 715 000 Syriens, dont 50 000 Syriens de l’étranger, sont rentrés chez eux en 2017. Ces tendances précoces mais positives peuvent augmenter à travers la poursuite des efforts de désescalade non seulement dans le sud-ouest, mais ailleurs aussi.
En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, nous continuerons à travailler avec nos alliés et partenaires, tels que la Turquie, pour faire face à la menace terroriste à Idlib et pour répondre aux préoccupations de la Turquie concernant les terroristes du Parti des travailleurs du Kurdistan ailleurs. Al-Qaïda tente de rétablir une base d’opérations à Idlib. En collaboration avec nos alliés et partenaires, nous développons activement la meilleure option pour neutraliser cette menace.
Les États-Unis soutiennent vigoureusement les efforts de l’ONU pour parvenir à une solution politique qui s’inscrive dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies. Il s’agit du cadre politique pour la paix et la stabilité dans une Syrie unifiée qui a déjà été approuvé par les membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Plus précisément, nous travaillerons à travers ce que l’on appelle le processus de Genève, en soutenant dans ses efforts le représentant spécial des Nations unies pour la Syrie, M. Staffan de Mistura.
Le régime d’Assad considère clairement la Russie comme le garant de sa sécurité. La Russie a donc un rôle significatif à jouer pour persuader le régime d’Assad de s’engager de manière constructive dans le processus de Genève. Au-delà du vote de la Russie en soutien à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, le président Poutine a réaffirmé l’engagement de la Russie à Genève dans la déclaration conjointe de Da Nang, au Vietnam, qu’il a faite avec le président Trump en novembre dernier. Les États-Unis et la Russie ont travaillé ensemble pour le succès de la zone de désescalade du sud-ouest, et nous avons établi des arrangements de sortie du conflit autour de la vallée de l’Euphrate pour assurer la sécurité de nos forces respectives.
La Russie doit maintenant donner suite à l’engagement pris par nos présidents en novembre dernier de trouver une solution définitive à travers le processus de Genève sous la direction de l’ONU. L’une des manières pour la Russie d’atteindre ce but est d’exercer son influence unique sur le régime syrien, qui a lui-même accepté de participer au processus de Genève. La Russie doit appliquer de nouveaux niveaux de pression sur le régime pour qu’il ne se contente pas de se manifester à Genève, mais qu’il s’engage par ailleurs de manière crédible dans les efforts de l’ONU et mette en œuvre les résultats convenus.
Les États-Unis, l’UE et les partenaires régionaux ne fourniront aucune aide internationale à la reconstruction de zones sous contrôle du régime d’Assad. Nous demandons à toutes les parties prenantes dans l’avenir de la Syrie d’en faire de même. Nous découragerons les relations économiques entre le régime d’Assad et tout autre pays, mais encouragerons l’aide internationale pour reconstruire les zones libérées de l’emprise de Daech par la coalition mondiale et ses partenaires locaux. Une fois qu’Assad aura quitté le pouvoir, les États-Unis encourageront volontiers la normalisation des relations économiques entre la Syrie et les autres pays. Les États-Unis appellent toutes les nations à faire preuve de discipline en faisant pression sur Assad et en reconstruisant la Syrie après une transition politique. Nous espérons que le désir d’un retour à la vie normale et que ces outils de pression aideront le peuple syrien et les individus du régime à contraindre Assad à se retirer.
La résolution 2254 du Conseil de sécurité appelle également à la tenue d’élections libres en Syrie supervisées par l’ONU. Les États-Unis estiment que des élections libres et transparentes, incluant la participation de la diaspora syrienne déplacée (tous ceux qui ont été forcés de fuir le conflit) entraîneront le départ définitif d’Assad et de sa famille du pouvoir. Ce processus prendra du temps, et nous exhortons à la patience, tant dans le départ d’Assad que dans la mise en place de nouveaux dirigeants. Un changement responsable est susceptible de ne pas être aussi immédiat que certains l’espèrent ; il s’agira plutôt d’un processus progressif de réforme constitutionnelle, avec des élections supervisées par l’ONU. Mais ce changement viendra.
Les États-Unis reconnaissent et saluent les grands sacrifices qui ont été faits par les Forces démocratiques syriennes pour libérer les Syriens de Daech, mais leurs victoires sur le champ de bataille ne résolvent pas le problème de la gouvernance locale ni celui de la représentation des populations de l’est et du nord de la Syrie. Des arrangements politiques locaux intérimaires qui donnent la parole à tous les groupes et à toutes les ethnies soutenant la transition politique plus large de la Syrie doivent émerger avec l’aide de la communauté internationale. Tout arrangement provisoire doit être véritablement représentatif et ne doit menacer aucun des États voisins de la Syrie. De même, les voix des Syriens de ces régions doivent être entendues à Genève et dans la discussion plus large sur l’avenir de la Syrie.
Sur ces points, les États-Unis entendent et prennent au sérieux les préoccupations de notre allié de l’OTAN, la Turquie. Nous reconnaissons les contributions humanitaires et les sacrifices militaires que la Turquie a faits dans le cadre de la lutte contre Daech, de son soutien à des millions de réfugiés syriens et de la stabilisation des régions de Syrie qu’elle a aidées à libérer. La coopération étroite de la Turquie nous est nécessaire pour parvenir en Syrie à un nouvel avenir qui assure la sécurité de ses voisins.
Enfin, la réduction et l’éradication de l’influence iranienne malveillante depuis la Syrie dépend d’une Syrie démocratique. Depuis de nombreuses années, la Syrie de Bachar el-Assad est un État client de l’Iran. Un gouvernement central syrien qui n’est pas sous le contrôle d’Assad aura une nouvelle légitimité pour affirmer son autorité sur le pays. La réaffirmation de la souveraineté nationale par un nouveau gouvernement, conjuguée aux efforts de désescalade et aux nouveaux flux d’aide internationale, réduira la violence, établira de meilleures conditions pour la stabilité et accélérera le départ des combattants étrangers.
Nous reconnaissons que la Syrie présente de nombreuses complexités. Nos solutions proposées ne seront pas faciles à réaliser. Mais il est nécessaire de procéder de la sorte pour notre sécurité et celle de nos alliés. Nous ne répéterons pas les erreurs du passé en Iraq et nous ne répéterons pas les erreurs commises en Libye.
Des interventions militaires bien intentionnées, mais indépendantes d’une stabilisation ou de stratégies politiques, donnent lieu à une foule de conséquences involontaires et indésirables. Pour cette raison, nous cherchons à favoriser la désescalade de la guerre civile en Syrie, à œuvrer pour la paix et à encourager toutes les parties à se rendre à la table des négociations. La poursuite des combats entraînera probablement une aggravation de la situation humanitaire, un chaos encore plus vaste et une intervention militaire régionale accrue en Syrie. Notre objectif est de construire une voie politique positive qui honore la volonté du peuple syrien et qui soutienne l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie.
Comme pour presque tous nos défis en matière de politique étrangère, les étapes pour atteindre nos objectifs ne peuvent pas être entreprises de manière isolée. Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec nos alliés et partenaires. En subissant de nombreux attentats terroristes au cours des dernières années, nos alliés en Europe ont malheureusement fait l’expérience directe de ce dont sont capables des groupes comme Daech et al-Qaïda. Nous avons besoin de nos alliés et partenaires pour soutenir notre stratégie afin d’atténuer de manière permanente le risque que ces organisations terroristes et d’autres représentent pour la sécurité.
Enfin, le peuple syrien a enduré sept années de chaos et de souffrances inimaginables. Il a besoin d’aide. Une nouvelle ligne de conduite est une alternative préférable à davantage d’années de vœux pieux. Une Syrie stable, unifiée et indépendante servira les intérêts de sécurité nationale des États-Unis, de ses alliés et de nos partenaires. Si cette réalité peut prendre forme, ce sera une victoire pour tous, et cela soutiendra la capacité du peuple syrien à poursuivre ses droits conférés par Dieu à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.
Je vous remercie de votre aimable attention et j’attends avec intérêt notre discussion. (Applaudissements).
MME RICE : Eh bien, merci. Merci beaucoup de cette présentation globale de l’un des problèmes les plus redoutables, je crois, qu’on ait jamais dû affronter dans le système international ; j’aimerais revenir sur quelques points de fond, mais je voudrais d’abord vous poser une question sur votre rôle en tant que secrétaire d’État. C’est un travail plutôt difficile, n’est-ce pas ? (Rires.)
TILLERSON : Oui, c’est… c’est un peu différent. (Rires.)
MME RICE : En effet. (Rires). Alors, quand j’étais secrétaire d’État, je me levais le matin, et il y avait ces choses que je voyais sur mon calendrier, et je me disais : « Oh super, je vais pouvoir m’occuper de ça », et puis il y avait ces autres choses, et là, je me disais : « Je vais juste… peut-être que je vais juste retourner me coucher. » Quelle est la partie de ce travail que vous aimez le plus, et celle que vous trouvez la plus difficile ?
TILLERSON : Eh bien, ce qui me plaît le plus dans mon travail, c’est ce que j’ai toujours apprécié tout au long de ma carrière, à savoir la qualité des personnes avec lesquelles j’ai le privilège de travailler chaque jour. Et voici ce que je dirai au sujet du personnel du département d’État, les fonctionnaires de carrière tout comme les personnes issues de nominations politiques : ce sont des gens extraordinairement dévoués, qui comptent parmi les plus grands patriotes que vous ne connaîtrez jamais et qui viennent au travail tous les jours avec un objectif en tête, à savoir celui de réaliser les buts de la politique étrangère, les objectifs de l’administration, rien que pour servir les intérêts du peuple américain.
Ainsi, ce que j’attends avec intérêt chaque jour, même s’il est question de problèmes complexes, comme celui que je viens de décrire — et la Syrie est l’une des situations les plus complexes sur le terrain –, c’est le niveau d’intelligence et d’ouverture qui nous permet d’avoir une bonne conversation sur le sujet, c’est ce que j’attends avec le plus d’intérêt. Et j’ai une zone d’échauffement ; autrefois, c’était le bureau du secrétaire adjoint en charge de la gestion. Je l’ai accaparé et nous n’avons que des tableaux blancs dedans et j’adore y aller et faire des exercices sur les tableaux blancs.
Le plus laborieux, c’est de venir au travail les jours où des vies ont été perdues. Et qu’il s’agisse du décès d’un des membres du personnel du département d’État ou du décès d’un militaire, ou encore de tout ressortissant américain où que ce soit, ce sont ces jours-là qui sont difficiles, parce que il faut appeler les proches, il faut essayer… des gens ont été pris en otages, il faut essayer de rassurer les familles mais ce sont ces jours-là qui sont vraiment difficiles.
MME RICE : Oui. Eh bien, en tant que secrétaire, nous faisons face à des défis uniques également. Les réseaux sociaux venaient à peine de voir le jour lorsque j’étais secrétaire d’État. Dieu merci. Et nous savons que votre patron adore les réseaux sociaux, alors comment cela se passe-t-il et comment gérer la pression constante des réseaux sociaux, particulièrement celle qui provient de la Maison-Blanche ?
TILLERSON : Eh bien, il est champion du monde des réseaux sociaux, contrairement à moi… (rires)… et je souhaite avouer ici au centre-même de la création de cette grande technologie, que je n’ai pas de comptes de réseaux sociaux. Je n’en ai jamais eu et je n’ai pas l’intention d’en avoir. (Rires.) C’est un outil formidable lorsqu’il est utilisé à bon escient. Le président en fait une utilisation à impact fort en contournant les moyens de communication traditionnels et il s’épanouit pleinement dans sa capacité à communiquer instantanément non seulement avec les Américains mais également avec nos amis et alliés ou nos adversaires, avec le monde entier.
Je ne sais pas quand il le fera parce qu’il… c’est simplement la façon dont le président fonctionne. Le défi consiste donc à faire du rattrapage parce que je ne… je n’ai même pas de compte Twitter pour suivre ses tweets, ainsi, les membres de mon cabinet impriment généralement ses tweets et me les remettent. (Rires.) Eh bien, d’un côté, vous pouvez dire, « Mais c’est fou. Pourquoi n’avez-vous pas de compte ? » Mais d’un autre côté, j’ai en fait conclu que ce n’était pas un mauvais système parce que les tweets sortent et je ne sais pas quand ils vont sortir, il y a donc peu de choses que je peux faire en attendant qu’ils sortent. Au moment où j’apprends ce qui est sorti, il s’est en fait écoulé un certain temps et en fonction de là où je me trouve dans le monde, il peut s’agir de cinq minutes ou d’une heure avant que l’on me remette un morceau de papier disant : « Le président vient de tweeter ceci. » Et là, je vois déjà des réactions initiales et cela me permet d’y réfléchir, très bien, comment est-ce que nous prenons cela… si c’est une question de politique étrangère, est-ce… de quoi parle-t-il dans son tweet, qu’en faisons-nous, comment allons-nous l’utiliser ?
C’est donc intéressant. Beaucoup de gens me disent que cela doit être impossible à gérer. J’ai dû m’y habituer dès le début parce que ça n’était pas du tout habituel pour nous tous. Mais je prends le tweet et je me dis, d’accord, c’est une information. Voyons… nous connaissons nos objectifs et il n’en a modifié aucun. C’est juste sa manière de communiquer sur le sujet. Comment prenons-nous ce tweet et comment l’utilisons-nous ? Et c’est donc ce que… c’est comme cela que je gère la chose, mais je pense que j’irai dans la tombe sans jamais avoir eu de compte de réseaux sociaux. (Rires.)
MME RICE : J’ai été particulièrement frappée par ce que vous avez dit au sujet de la Syrie. Vous avez parlé de la voie à suivre en Syrie, en mettant de côté l’aspect militaire, qui a bien évidemment connu de réels succès, particulièrement en débarrassant l’Irak de Daech et maintenant en devançant, au moins, Daech en Syrie. Mais j’ai été frappée par le fait que lorsque vous êtes passé à la stabilisation politique, vous avez utilisé quelques mots que la plupart des gens n’associeraient pas avec l’administration Trump. Je voudrais que vous nous en parliez davantage. Vous avez parlé des valeurs, des valeurs des États-Unis. Vous avez parlé des droits de l’homme. Vous avez parlé de la nécessité pour les Syriens d’être en mesure de s’exprimer lors d’élections libres.
On peut dire que ces éléments font partie des objectifs ayant trait aux valeurs, pour ainsi dire, parce que si l’on remonte jusqu’à Woodrow Wilson, tous les présidents ont été convaincus que la composition interne des États importe bel et bien. Et je pense que vous avez avancé un très bon argument, l’une des raisons pour lesquelles nous faisons face au problème actuel en Syrie est que Bachar el-Assad est un dictateur qui a assassiné et opprimé son propre peuple.
Alors, sortez de la Syrie et dites-nous comment, , après maintenant près d’un an passé à ce poste, vous voyez la question des valeurs, des droits de l’homme, de la démocratie… en politique étrangère américaine.
TILLERSON : Eh bien, c’est une excellente question et c’est une question que j’ai… en tant qu’ingénieur, je pense que j’ai eu du mal à décrire aux autres la façon dont je la vois. Nos valeurs américaines de liberté, de respect de la personne, de la dignité humaine… toutes les manifestations des valeurs qui définissent notre identité en tant que peuple, notre identité collective en tant que groupe de personnes qui se sont alignées autour de ces valeurs et qui définissent la manière dont nous nous traitons les uns les autres tous les jours… comment intégrer cela au domaine de la politique étrangère.
Et à un certain niveau, il s’agit de valeurs qui perdurent et ce que je dis aux gens, c’est que, vous savez, en politique étrangère, si vous… lorsque vous prenez les valeurs et que vous essayez de les traduire en politique étrangère, ma préoccupation a toujours été que les politiques peuvent changer et être ajustées, et c’est le cas. Alors comment le faire… Si vous le faites, vos valeurs ne changent jamais. Elles ne s’ajustent jamais. Ainsi, nos valeurs sont présentes dans toutes nos interactions, toujours.
Alors comment les opérationnaliser, et je vais utiliser ce mot, comment opérationnaliser ces valeurs ? Parce que je pense qu’il s’agit là du cœur de la question. Et la Syrie en est une excellente étude de cas à mon sens. Le fait d’aller en Syrie et de faire le plaidoyer des droits de l’homme, des libertés religieuses, de la participation égale des femmes au milieu de milliers de personnes et de civils, littéralement, qui meurent chaque jour ne veut pas dire grand-chose parce que le droit de l’homme le plus important pour qui que ce soit est le premier droit : le droit à la vie. La vie, puis la liberté, puis la poursuite du bonheur. Et c’est comme cela que je vois nos valeurs. Je dois d’abord éviter que les gens ne se fassent tuer et si je peux éviter qu’ils se fassent tuer et si je peux créer des zones de stabilité, alors nous commençons à semer les graines de la liberté et puis nous ouvrons la voie de la poursuite du bonheur. Et sous tout cela, ensuite, on trouve l’articulation de notre respect pour la dignité humaine, la condition humaine, tous les moyens dont nous exprimons ces valeurs qui sont singulièrement américaines.
Et c’est donc véritablement ainsi que nous instaurons les conditions propices pour que les gens puissent effectivement faire cela, et la priorité en Syrie à l’heure actuelle est d’éviter que les gens se fassent tuer. Les gens se font tuer. Ils se font tuer par milliers. Il faut arrêter cela, stabiliser la situation, commencer à instaurer certaines conditions et nous pourrons ensuite promouvoir le respect des libertés religieuses, le respect de leur dignité. Et c’est vraiment… dans mon esprit… et je suis ingénieur… c’est la manière dont je vois cela comme un processus. C’est un processus à l’intérieur d’un système et à tout moment et en fonction des conditions du pays, de son emplacement, des circonstances, nous allons nous trouver à un stade différent du processus. Si nous avons un gouvernement stable qui réprime certaines entités religieuses, alors nous nous y attaquons d’emblée. Parce que ce n’est pas une situation où les gens se font tuer, mais où ils sont persécutés, on les prive de la poursuite du bonheur.
Il est donc… très… je pense que dans chaque situation, je vois les choses et je me dis, quelle est la priorité ici ? Et la première priorité consiste toujours à protéger les vies, à faire en sorte que les gens ne se fassent plus tuer. Et si vous procédez ainsi, vous commencez à instaurer les conditions dans lesquelles on peut véritablement aller de l’avant et faire le plaidoyer des valeurs à proprement parler.
MME RICE : Et les outils pour le type de travail dont vous parlez, bien entendu, lorsque vous stabilisez une situation, vous devez toujours user de la diplomatie, vous devez toujours fournir une assistance à la population. Des préoccupations existent au sujet de l’engagement en faveur de, disons, l’aide extérieure et le fait d’avoir ces outils sur lesquels les diplomates américains comptent pour instaurer la stabilité. Cela est connu de tous, Jim Mattis aurait apparemment dit qu’en l’absence d’aide extérieure, il lui faudra davantage de balles, je paraphrase ses propos.
Alors, parmi quelques-uns des efforts d’assistance des États qui sont appréciés de manière universelle, on compte : le PEPFAR, le Plan d’urgence du président pour la lutte contre le sida, qui a probablement, grâce aux efforts du président Bush, puis du président Obama, sauvé des millions de personnes d’une pandémie, et la Millennium Challenge [Corporation], qui cherche à donner des fonds de l’aide extérieure aux États qui vont véritablement l’utiliser à bon escient, qui ne sont pas corrompus. Pouvez-vous nous parler un peu de l’avenir de ces programmes ? Et je sais que vous en êtes le défenseur. Comment se passent les choses en interne au niveau de l’administration et au Congrès ?
TILLERSON : Eh bien, vous avez choisi les deux programmes les plus faciles à défendre, parce que le PEPFAR est vu de manière générale, même au sein de l’administration, comme la référence absolue de la réussite. Il a produit des résultats extraordinaires et il a démontré qu’il utilise les deniers américains de manière très avisée. Pour tout dollar investi, si l’on y réfléchit, c’est un investissement, c’est un dollar investi pour un rendement… le PEPFAR, quel que soit l’angle sous lequel on l’examine, a été un succès retentissant.
Et la Millennium Challenge Corporation, de la même manière, a été un grand succès du fait de son processus discipliné. Je pense que le débat en cours ne porte pas sur ces types de programmes, mais sur une grande partie des programmes d’assistance dont la structure est susceptible d’être différente de celle du PEPFAR ou de la structure de responsabilisation de la Millennium Challenge [Corporation], ainsi que sur la perception selon laquelle l’Amérique est, a été et reste encore aujourd’hui le pays le plus généreux au monde pour ce qui est de l’assistance humanitaire, d’aide en cas de catastrophes. Nous sommes toujours les premiers. .
Mais si vous regardez la situation financière du pays, et nous sommes bien conscients des déficits que nous accumulons au jour le jour, je pense que le président a posé la question à juste titre, eh bien, nous savons ce que nous faisons, qu’en est-il du reste du monde ? Et vous acquittez-vous de votre part ? Et c’est donc devenu une véritable superposition de la manière dont l’administration voit tous les modes d’assistance étrangère, du type d’assistance fournie par le biais de l’USAID et du département d’État aux ventes et à l’assistance militaire à l’étranger, en passant par les instances de l’ONU et les autres organisations internationales. Nous jouerons notre rôle mais nous exigeons que les autres en fassent autant. Il a ainsi créé des attentes importantes selon lesquelles nous allons en faire moins et demander aux autres de monter au créneau et de commencer à contribuer davantage de manière proportionnelle à leurs capacités. Il montre du doigt, c’est bien connu, bon nombre de pays qui s’en tirent de façon extraordinaire. Dans de nombreux cas, leur économie se porte mieux que la nôtre, mais ils ne s’acquittent pas ce que nous considérons comme leur part face aux besoins du monde.
Ainsi, une grande partie de l’année passée et même du début de cette année a été consacrée à un engagement actif avec les pays sur cette question. Cela étant dit, nous n’abandonnons en rien notre reconnaissance de ces besoins. Et comme vous le savez et tout au long du processus budgétaire, le processus budgétaire implique deux des pouvoirs de l’État, deux pouvoirs égaux. Le Congrès a son mot à dire, et l’administration également. Ainsi, nous résolvons, en fin compte et en grande partie, tout cela par le processus de négociations budgétaires.
La dernière chose que je dirais au sujet du budget du département d’État en particulier, parce qu’il a fait l’objet de beaucoup de… de beaucoup de discussions, est que j’aime donner une perspective aux gens. Le dernier budget du département d’État avait atteint le niveau record de 55 milliards, le budget le plus important de l’histoire du département d’État, et les records se succèdent année après année depuis cinq ou six ans. Et ce que je dis aux gens, et comme j’ai géré une société avec de gros chiffres au jour le jour également, c’est très difficile à exécuter… il est très difficile pour le département d’exécuter un budget de 55 milliards de dollars. Je veux dire, franchement, que si vous voulez bien faire les choses et que vous voulez bien gérer les deniers durement gagnés que les contribuables américains vous ont donnés, vous devez être en mesure de bien exécuter le budget. Et le fait est que l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas eu de difficultés en 2017 est que nous avions beaucoup de fonds reportés de l’exercice précédent parce que personne ne pouvait exécuter un budget de cette ampleur. Il y a donc beaucoup d’argent qui circule.
Maintenant, je dirais que nous sommes dans une situation en évolution où nous ne sommes pas… nous ne sommes pas dans une position d’incapacité à satisfaire, nous le pensons, aux besoins les plus essentiels. Mais l’heure arrive, et nous essayons de planifier à l’avance et nous essayons de demander au reste du monde de partager davantage le fardeau.
MME RICE : Merci. Une dernière question avant que l’on vous libère. Je me dois de vous poser une question sur le début de vos remarques : la Corée du Nord. Il y a eu une fausse alerte à Hawaï. Il y a des gens qui parlent de l’arrivée de la guerre sur la péninsule. En même temps, les Nord-Coréens et les Sud-Coréens décident de faire équipe ensemble aux Jeux olympiques.
Avez-vous l’impression que le discours que nous avons tenu, le fait que peut-être la diplomatie n’est pas au premier plan contrairement à la possibilité de nos options militaires, que nous sommes peut-être en train de semer la discorde avec nos alliés sud-coréens ? Je sais que lorsque j’étais secrétaire d’État et que j’essayais de gérer les Pourparlers à six, les Nord-Coréens adoraient semer la zizanie pour mettre les Chinois à l’écart, ou les Sud-Coréens, ou les Russes, et il était très important que les États-Unis ne se retrouvent pas isolés.
Alors comment devons-nous percevoir ces initiatives entre le Nord et le Sud ? Et parlez-nous de la diplomatie, parce que je pense que nous sommes tous d’accord, personne ne veut la guerre sur la péninsule, sur la péninsule coréenne, malgré la gravité de la menace nord-coréenne.
TILLERSON : Eh bien, nos efforts diplomatiques, qui ont démarré en février dernier, la première semaine où j’étais… après mon investiture, j’étais avec le président dans le Bureau ovale et il m’a confié mon premier défi de politique étrangère en me demandant de concevoir une approche de politique étrangère pour la Corée du Nord. Et nous l’avons donc fait et nous sommes passés par le processus interagences.
Et ce que nous… j’ai appelé cela une campagne de pression pacifique, le président l’a depuis rebaptisée la campagne de pression maximale. Mais c’est… et je sais que les gens disent : « Ah, nous avons essayé les sanctions par le passé. Elles n’ont jamais fonctionné. » Nous n’avons jamais eu de régime de sanctions aussi complet que celui-ci et nous n’avons jamais joui du soutien de la Chine pour des sanctions comme c’est maintenant le cas. La Russie est une question quelque peu différente. Mais les Chinois ont beaucoup fait pression sur les Nord-Coréens à tel point que… une partie de cette approche consistait à aider les Chinois à se rendre compte que la Corée du Nord a peut-être été pour eux un atout depuis 50 ou 60 ans, mais qu’elle représente un handicap. Et je veux dire que c’est dû à la manière dont les événements se sont déroulés sur la péninsule coréenne. Si la Chine ne nous aide pas à résoudre ce problème, les effets de répercussion seront nombreux et la Chine en est consciente.
Je pense donc que les efforts diplomatiques consistent à unifier la communauté internationale autour de la campagne de sanctions, qui est extraordinairement efficace. Comme le président Moon lui-même nous l’a dit au téléphone, et je vous dirais, nous avons probablement… le niveau de communication entre nous, la Corée du Sud et la Chine sur cette question est assez extraordinaire. Les gens seraient probablement surpris de la fréquence à laquelle nous nous appelons au téléphone les uns les autres pour parler de cela. M. Moon a expliqué que les Sud-Coréens [Nord-Coréens] sont venus vers nous parce qu’ils ressentaient l’effet de ces sanctions. Et nous le voyons dans une partie du renseignement, nous le voyons dans des preuves anecdotiques provenant de personnes qui s’échappent et font défection.
Les Japonais ont indiqué hier lors de notre réunion qu’ils ont vu plus de 100 bateaux de pêches nord-coréens à la dérive dans les eaux japonaises, deux tiers des personnes à bord sont mortes ; elles n’essayaient pas de s’enfuir, et celles qui étaient encore en vie voulaient rentrer chez elles. Alors ils les ont renvoyées en Corée du Nord. Mais ce qu’ils ont appris, c’est que ces personnes sont envoyées à la pêche en plein hiver parce qu’il y a des pénuries de nourriture,et elles sont envoyées à la pêche avec trop peu de carburant pour pouvoir rentrer au port.
Nous recueillons un grand nombre de preuves qui indiquent que ces sanctions commencent vraiment à faire mal. Ainsi, le rapprochement du Nord et du Sud, ils sont désormais en train d’exécuter la stratégie que vous connaissez parfaitement. Et la stratégie, c’est, eh bien, nous commençons par l’offensive de charme envers le reste du monde et nous leur montrons que nous ne sommes que des gens normaux comme tout le monde/ Nous allons attirer leur compassion. Nous allons essayer de diviser la Corée du Sud et ses alliés. Et nous avons passé un temps fou lors de nos discussions de groupe à écouter la ministre des Affaires étrangères Kang de Corée du Sud parler de la manière dont son pays ne laissera pas cela se produire.
Nous comprenons donc de quoi il s’agit et nous soutenons ce rapprochement parce que l’autre élément de la diplomatie est que nous devons attendre que Kim décide de parler. Nous avons été très clairs et nous canaux sont ouverts. Et comme je l’ai dit hier lors de mon point de presse, il sait comment me joindre s’il veut qu’on parle. Mais il doit me dire qu’il veut qu’on parle. Nous n’allons pas lui courir après.
Il s’agit donc peut-être de son effort initial pour briser la glace, nous verrons. Il se peut que rien n’en ressorte mais… nous faisons preuve de soutien mais je vous dirais que chez les alliés de la région, mais également en Chine, je pense que l’on n’a jamais vu une telle unité face à cette menace. Parce que la Chine connaît les conséquences potentielles de cela, les conséquences imprévues qui pourraient survenir plus tard. Et en diplomatie, où il faut travailler avec quelqu’un comme cela en face et quand on arrive à la table des négociations… et j’ai bon espoir que nous le ferons… j’ai besoin de savoir que M. Mattis, le secrétaire [à la Défense], dispose d’une option militaire très, très forte qui assure mes arrières. Cela me permet d’être mieux positionné pour essayer de résoudre la situation.
Comme M. Mattis et moi l’avons dit à nos homologues chinois lorsque nous étions autour de la table face à face à l’occasion d’un dialogue sécuritaire et stratégique, j’ai dit à mon homologue, Yang Jiechi… j’ai dit : « Monsieur le conseiller des Affaires de l’État, si vous et moi ne résolvons par ceci, ces gars-là vont passer à l’attaque et nous ne voulons pas que cela arrive. Et vous non plus. »
Nous sommes donc très motivés. C’est un processus de longue haleine. Il faut faire preuve de patience. Nous verrons. Mais nous sommes déterminés, tout comme le reste de la communauté internationale, à voir une Corée du Nord dénucléarisée. Et nous le resterons tant que nous ne serons pas arrivés à nos fins.
MME RICE : Merci beaucoup et bonne continuation. Nous vous souhaitons de réussir. Merci beaucoup. (Applaudissements).
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