De toutes les mesures prises après le 11 septembre, la détention des membres d’Al Qaïda et des Talibans à Guantanamo est la plus controversée car ces hommes n’ont pas eu droit à un procès où à un avocat et n’ont aucune date de libération prévue. En temps normal, ce procédé aurait été inconstitutionnel, mais nous ne sommes pas dans des circonstances normales car ces hommes sont des combattants ennemis menant une guerre contre les États-Unis. La question légale la plus importante est de déterminer si nous sommes réellement en guerre afin de savoir si l’administration Bush a bien le droit d’agir comme elle le fait.
L’opposition aux détentions à Guantanamo est largement fondée sur la négation implicite ou explicite du fait que les États-Unis sont effectivement engagés dans autre chose qu’une opération de rétablissement de l’ordre. Il faut cependant noter que lors du conflit naval avec la France en 1801, la Cour suprême a autorisé les États-Unis à utiliser les lois des conflits armés sans avoir fait de déclarations de guerre préalable. Il est également possible de mener une guerre contre un acteur non-étatique, les exemples historiques sont nombreux. Al Qaïda ayant conduit contre nous une attaque digne d’un État par sa capacité de projection, et comme les opérations de maintien de l’ordre ont des limitations légales qui rendraient notre action inefficace, nous devons nous déclarer en guerre.
Durant les guerres, le pouvoir du gouvernement devient beaucoup plus important mais, aux États-Unis, la loi n’a jamais totalement disparue dans ces occasions, même si les droits des individus sont subordonnés aux intérêts de la communauté. Les droits des prisonniers dans ces situations sont du ressort du président, en tant que commandant en chef. C’est lui qui a déterminé que les prisonniers seraient des « combattants illégaux ». Ce statut est prévu par les lois : il s’agit de détenus qui ne disposent pas des privilèges des prisonniers de guerre honorables. Toutefois, tout comme les autres prisonniers de guerre, ils sont libérés ou jugés (en cas de crime de guerre) à la fin du conflit. Dans le cas présent ce sera quand Al Qaïda et ses alliés seront défaits.
L’objection la plus sérieuse au fait de traiter la guerre au terrorisme comme un conflit armé est la crainte de l’abus de pouvoir. En effet, le pouvoir gouvernemental, et surtout celui du président, augmente considérablement quand les lois de la guerre sont appliquées. Les cendres du World Trade Center n’avaient pas fini de fumer qu’on entendait déjà parler de danger d’État sécuritaire. On craignait qu’avec l’USA Patriot Act le président puisse faire arrêter ses opposants et les garder emprisonné sans procès. Ce risque cependant n’a pas lieu d’être car la Constitution continue de s’appliquer même en temps de guerre et les pouvoirs importants restent divisés entre le Congrès et le président qui reste fortement dépendant du pouvoir législatif. Le pouvoir judiciaire a également la possibilité de casser les décisions de l’exécutif. En outre, le poids de la société civile attentive et des États fédérés limite également ces abus. Notre constitution continue de fonctionner et de prévenir les excès du pouvoir.
Bien que le droit des États-Unis de capturer et de détenir des combattants ennemis soit bien établi, il demeure une inquiétude que certains individus détenus ne soient pas associé à Al Qaïda dans cette prison et soient dans l’impossibilité de se défendre. Il faut commencer par oublier les théories conspirationistes qui croient que les États-Unis auraient eu intérêt à enfermer des personnes qui ne sont pas membres d’Al Qaïda en les nourrissant et les logeant aux frais du contribuable. Il est en revanche possible qu’une personne innocente ait été arrêtée par erreur. Toutefois, si les militaires s’en étaient rendu compte, il n’est pas possible qu’ils l’aient caché pour ne pas avoir à avouer leur faute car cela impliquerait trop de monde et cela aurait fini par se savoir. En cas de doute, on pourrait cependant envisager de les faire juger par un tribunal spécial, comme cela est prévu dans la convention de Genève, mais ce n’est pas dans l’intérêt des prisonniers. En effet, à la fin de la guerre, la plupart seront libérés, mais s’ils sont jugés auparavant pour crime de guerre et qu’ils ne sont pas innocentés, ils n’ont aucune chance de sortir.
Les prisonniers n’ont pas de date de libération prévue puisque cela aura lieu quand la guerre sera terminée. La guerre a été présentée dans des discours politiques rhétoriques comme une guerre au terrorisme, mais il s’agit en fait d’une guerre à Al Qaïda. Le 18 septembre 2001, le Congrès a autorisé la guerre contre « tout pays, organisation ou personne que le président jugera impliqué dans la planification, ou ayant autorisé, aidé ou commis les attentats du 11 septembre 2001 ». Cela inclut donc Al Qaïda, les Talibans et quelques organisations, mais pas tous les mouvements terroristes. La guerre d’Irak a été associée à la guerre au terrorisme, mais ce n’est qu’un artifice rhétorique puisqu’il a fallu une autre autorisation du Congrès pour la déclencher. Comme l’ennemi est défini, les buts de guerre le sont également et la libération des prisonniers aura lieu à la fin de cette guerre qui n’a juridiquement rien de flou.
In fine, les détenus seront jugés pour crimes de guerre une fois que la tension sera un peu retombée et, d’ici là par des commissions militaires équitables.
La guerre au terrorisme a soulevé des questions juridiques difficiles et la liberté y a perdu, mais c’est inévitable en temps de guerre.
« The law and war », par David B. Rivkin Jr. et Lee A. Casey, Washington Times, 26 au 30 janvier 2004. Ce texte est le résumé d’une longue tribune publiée en cinq parties tout au long de la semaine.
26 janvier 2004, 27 janvier 2004, 28 janvier 2004, 29 janvier 2004 et 30 janvier 2004.
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